En 2005, sous la présidence de Tandja Mamadou et la direction du Premier ministre Hama Amadou, le Niger a été secoué par l’affaire MEBA, impliquant le Ministère de l’Education de Base et de l’Alphabétisation. Cette affaire, portant sur l’attribution de marchés de fournitures scolaires d’une valeur de 2 milliards de francs CFA à des opérateurs économiques locaux, a mis en lumière des dysfonctionnements dans le système d’attribution des marchés publics.
Les personnages clés et les premières inculpations
Les deux anciens ministres de l’Éducation, Ary Ibrahim et Hamani Harouna, aujourd’hui décédés, se sont retrouvés au cœur de l’affaire et incarcérés un moment avant de bénéficier d’une liberté provisoire. Suite à une enquête menée par la Gendarmerie nationale, l’affaire a été portée devant le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey (TGI/HC). Les accusés, ont été inculpés par le juge du 2ème cabinet d’instruction de l’époque. Dans une démarche controversée, ce dernier avait placé systématiquement sous mandat de dépôt les agents de l’Etat cités dans l’affaire et exigé le remboursement intégral de la part des opérateurs économiques des sommes incriminées en échange de liberté provisoire, une stratégie qui a amené beaucoup à s’exécuter.
Retournements et prolongements judiciaires
Cependant, en 2008, un revirement significatif est survenu. Le Doyen des juges d’instruction du TGI/HC avait ordonné la reconsignation des montants incriminés, une décision inattendue et non expliquée. L’affaire a été ensuite transmise à la Cour d’Appel de Niamey, où elle a été prise en charge par la Chambre de contrôle en matière économique et financière.
Le réquisitoire de 2023 : un dénouement en cours ?
Le 20 novembre 2023, le Procureur Général près de la Cour d’Appel de Niamey a franchi une étape cruciale en demandant à la Chambre de contrôle en matière économique et financière de décerner une ordonnance de prise de corps contre les 46 inculpés et de les renvoyer devant la chambre de jugement. En attendant, on demande aux mis en cause de produire un mémoire de défense à la Chambre de contrôle afin qu’elle puisse examiner, le 26 janvier 2024, le bienfondé des demandes du Procureur général. Il est important de noter que tout inculpé qui ne serait pas satisfait du verdict rendu par la Chambre de contrôle de la Cour d’appel de Niamey aura le droit de contester cette décision devant la Cour de Cassation. Il est également à noter que les inculpés – dont certains sont morts aujourd’hui – sont poursuivis pour diverses infractions, tels que le détournement de deniers publics, la complicité de détournements de deniers publics, ou encore faux et usage de faux en écriture publique, etc.
La question sans réponse : pourquoi maintenant ?
Le mystère demeure quant à la raison pour laquelle cette affaire, vieille de près de deux décennies (18 ans plus exactement), a soudainement été relancée. La raison serait-elle le changement de gouvernance intervenu suite au coup d’Etat du CNSP du 26 juillet 2023 ? Ou peut-être de nouvelles preuves ont-elles émergé ? Ce qui est certain, c’est que l’affaire MEBA reste un dossier épineux et complexe, illustrant les défis persistants de la lutte contre la corruption et la nécessité d’une justice impartiale qui doit s’attaquer avec vigueur aux défis pressants du présent. Affaire à suivre…