Avec la rupture progressive des relations de coopération entre Paris et Niamey depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023 qui a évincé Bazoum Mohamed du pouvoir, beaucoup de compatriotes se demandaient pourquoi le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) et le gouvernement de transition trainaient les pieds pour aller vers d’autres partenaires, prêts à nous soutenir dans l’épreuve difficile marquée par les sanctions illégales et sauvages de la CEDEAO et de l’UEMOA ainsi que l’embargo financier des partenaires occidentaux dont l’Union européenne (UE), la Banque mondiale et consorts.
Dès lors que ces partenaires traditionnels ont décidé sans égards de nous asphyxier économiquement et financièrement (fermeture des couloirs d’approvisionnement du pays en vivres et médicaments, gel des fonds de l’Etat ainsi que des transactions bancaires privées, etc.), il n’y avait aucune raison d’attendre que la situation se rétablisse.
Mais malgré les interpellations incessantes des citoyens sur la question, les autorités de la transition sont restées impassibles, sans aucune véritable offensive diplomatique énergique en direction des puissances émergentes capables de nous soutenir. Qu’est-ce qui pourrait expliquer cette frilosité du CNSP et du gouvernement à créer ces nouvelles ouvertures ?
Le ministre des Affaires étrangères a finalement donné les raisons de cette posture, à l’occasion de la réception des copies figurées des lettres de créance de S.E Mme Kathleen Fitzgibbon, nouvelle ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire au Niger, samedi 2 décembre 2023.
Cette cérémonie – symbole fort de l’attachement des puissances occidentales au partenariat avec notre pays – a servi de perche pour le ministre Bakary Yaou Sangaré de préciser comment le Niger entend désormais conduire sa diplomatie étrangère, en Etat soucieux de la préservation des intérêts de son peuple.
Marquant d’abord sa satisfaction pour le retour de la première puissance mondiale, le ministre Sangaré a annoncé que les conditions seront désormais ‘’négociées’’ d’égal à égal dans le cadre de tout partenariat. ‘’…Maintenant on négocie les conditions. Ceux qui veulent négocier avec nous afin qu’on parvienne à des termes convenables, mutuellement acceptables, on va coopérer. Mais ceux qui veulent nous imposer leurs conditions, s’il faut se passer d’eux, on le fera’’, a déclaré Yaou Sangaré.
Pour lui, si les partenaires extérieurs nous ont toujours imposé leurs conditions, ‘’c’est parce que nous faisons la manche’’. Une pratique humiliante et avilissante à laquelle les autorités militaro-civiles de la transition se sont engagés à mettre fin. ‘’Le gouvernement a décidé de ne plus rien demander à personne. Les pays qui veulent nous appuyer, qu’ils le fassent mais on ne va rien leur demander. Dans tous les cas, il n’y a personne qui dira qu’il n’a pas besoin de l’autre’’, a-t-il martelé.
L’adoption de cette nouvelle posture diplomatique est motivée par l’attitude condescendante et paternaliste de la CEDEAO et de la France vis-à-vis de notre pays, depuis les événements du 26 juillet 2023.
‘’La CEDEAO et la France nous ont aidés à comprendre que ce qu’on cherchait très loin depuis 63 ans se trouve près de nous. On s’est rendu compte avec l’embargo qui nous a été imposé qu’on s’est sous-estimé. On ne dit pas qu’on va quitter la CEDEAO, mais s’il faut le faire, on le fera. On ne dit pas qu’on va quitter l’UEMOA – qui est peut-être plus sûr – parce qu’il faut se dire qu’il est temps d’avoir notre propre planche à billets’’.
Parce que les sanctions qui font plus mal aujourd’hui à notre pays, selon lui, sont surtout celles de l’UEMOA, qui nous privent illégalement de nos ressources financières. ‘’Quand quelqu’un décide de fermer sa frontière, il la ferme ; ce n’est pas un problème’’, a estimé Sangaré.
Mais le plus insupportable dans le comportement de l’UEMOA, c’est le fait de bloquer nos propres ressources. ‘’Quelle que soit la nature du différend entre nous, vous n’avez pas le droit de nous empêcher l’accès à mes biens. Surtout qu’il n’y a aucun texte qui l’autorise’’, a fulminé le ministre.
Devant ce comportement choquant, Sangaré a conditionné le maintien de notre pays au sein de la CEDEAO et de l’UEMOA au respect strict des objectifs pour lesquels elles ont été créées. Pour lui, il faut que les gens qui les dirigent comprennent que ce sont des institutions d’intégration et non de désintégration.
Cette sortie médiatique du ministre Sangaré, qui se veut une réplique indirecte à celle de son homologue du Nigéria, est aussi un message fort aux chefs d’Etats de la CEDEAO qui se réuniront le 10 décembre prochain à Abuja (Nigéria) pour statuer sur la levée ou pas des sanctions illégales et criminelles infligées à notre pays.