En cette période de l’année qui correspond à la fin de la campagne agricole pluviale et l’installation de la saison froide dans notre pays, les marchés de vente de denrées alimentaires sont inondés de criquets bouillis, séchés et conditionnés dans des sacs destinés à la consommation humaine.
Le Marché Katako et la distribution des criquets contaminés
A Niamey, le centre névralgique d’acheminement et de commercialisation du produit est le marché ‘’Katako’’ où des cargaisons entières de camions arrivent régulièrement pour décharger des sacs de criquets que des détaillants s’arrachent comme de petits pains pour aller revendre sur les autres marchés ou dans des brouettes et charriots dans les quartiers de la capitale.
D’où proviennent ces quantités énormes de criquets qu’on trouve toute l’année durant sur certains marchés ? Comment parvient-on à les capturer en si grand nombre et les conditionner alors que ce sont des bestioles ailées ? Nous nous sommes toujours posé ces questions qui sont restées, hélas, sans réponse. Les grossistes sont muets comme des carpes sur les méthodes qu’ils utilisent lorsqu’on les aborde sur la question. Les détaillants qui les commercialisent en recourant à l’unité de mesure communément appelée ‘’Tia’’ et font de bonnes affaires journalières se contentent, eux, juste d’attester de la fraîcheur du produit pour inciter le client à acheter.
Révélations inquiétantes et actions des autorités
Un élément de la Radio-Télévision du Niger (RTN) sur la saisie récente d’une importante quantité de sacs de criquets dans le département de Dakoro (Maradi) a permis de lever un coin de voile sur le mode de capture des bestioles. Le reportage fait état d’une saisie par les Forces de défense et de sécurité (FDS) de quelque 549 sacs de criquets, soit 14,2 tonnes, ‘’capturés à l’aide de l’organochloré communément appelé Pia-Pia’’, qui étaient en train d’être acheminés sur le marché. ‘’Pia-Pia’’ est ce poison liquide très dangereux utilisé par pulvérisation pour tuer toutes sortes de bestioles dans les maisons par les ménages en ville comme en campagne.
Selon les explications fournies par le technicien de l’environnement dans l’élément diffusé par la RTN, le mode opératoire des ‘’chasseurs de criquets’’ consiste à pulvériser les essaims avec le produit qui est dangereux pour la santé humaine mais aussi pour les animaux et la végétation pour les faire tomber. ‘’Les organochlorés dont des produits fortement cancérigènes’’, a-t-il indiqué.
‘’ Quand ils tombent au sol, ils les ramassent pour les faire bouillir et ensuite ils font le séchage et c’est ça qui va jusqu’à Niamey mais aussi au Nigeria’’, croit savoir l’environnementaliste.
Et apparemment, il n’y a aucun tri dans l’opération de capture. C’est ce qui explique au demeurant les quantités importantes de criquets inondant les marchés toute une bonne partie de l’année, avec une dominance de variétés qui n’étaient même pas consommées avant. Les autorités régionales ont procédé à l’incinération des 549 sacs saisis.
Lorsqu’on apprend qu’il y a déjà eu une première importante cargaison de criquets capturés par le même procédé dans la zone, les 14,2 tonnes sont les fruits d’une deuxième opération, il est loisible de réaliser la gravité des risques sanitaires auxquels sont exposés les consommateurs de criquets, qui se recrutent dans les grands centres urbains du pays où l’aliment est très prisé.
En l’absence de statistiques fiables sur la consommation du produit, ce sont des centaines de tonnes de criquets récoltés grâce au recours de ce genre de produits nocifs et qui sont probablement consommés à l’échelle du pays.
Mais à partir du moment où les risques sanitaires humains liés à la consommation des criquets sont désormais dévoilés, il n’y a aucune raison de continuer à tolérer l’inondation des marchés par des cargaisons de la bestiole, sans aucun contrôle sanitaire préalable au niveau des postes frontaliers.
Il ne doit y avoir aucune forme de complaisance en matière de préservation de la santé des populations, à travers le contrôle rigoureux des aliments qu’ils consomment et qui proviennent souvent de l’étranger.
Un produit potentiellement dangereux pour la consommation humaine, animale ou pour la protection des végétaux doit être systématiquement interdit de vente dans le pays comme le font les autorités burkinabè et maliennes. Lorsque c’est impropre pour la consommation humaine ou animale ou encore destiné à l’agriculture, le commerçant véreux récoltera les fruits de sa cupidité.
Il faudra que les autorités de la transition s’inspirent aussi de cette politique de nos partenaires de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) pour ressusciter le réflexe de la conscience citoyenne qui a disparu dans l’esprit de nos populations.