Il avait été dit qu’après le départ des forces françaises du Mali, ce serait le chaos indescriptible et sanglant. Barkhane a déguerpi et nous ne voyons toujours pas l’enfer promis.
Même chanson pour les troupes de l’ONU, et même attente de Godot. Du Mali au Niger, en passant par le Burkina Faso, des stratèges de la désinformation et de la guerre psychologique s’échinent à faire peur aux Etats qui ont des désirs d’émancipation. Tout naturellement, le choix historique de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) de se retirer de l’organisation fantoche qu’est devenue la CEDEAO est déjà présenté comme une saute d’humeur, totalement irréfléchie, qui va avoir des conséquences calamiteuses pour les trois (3) pays concernés. Ah ! Nous l’attendions, celle-là ! Qu’il n’en fût pas ainsi nous aurait grandement éberlués.
Le disque est rayé. Passons à autre chose de plus effectif. Quels sont les inconvénients et les avantages de la décision de l’AES de se retirer de la CEDEAO ? Objectivement ? Lucidement ? Tout d’abord, quelles sont les modalités prévues par les textes sanctionnant une telle option ?
Modalités sinueuses
Certes, ce sont nos chefs d’Etat, en majorité des militaires, qui ont créé le 28 Mai 1975 cette structure d’intégration économique, mais ils étaient entourés à l’époque d’Assistants Techniques chargés de la mise en forme des textes. Ceux-ci, percevant l’utilité d’un tel groupement pour leurs pays d’origine, se sont évertués à rendre très compliqué le retrait d’un éventuel insurgé. L’article 91 des textes qui régissent la Cedeao prévoit que « tout État membre désireux de se retirer de la Communauté notifie par écrit, dans un délai d’un an, sa décision au secrétaire exécutif, qui en informe les États membres. À l’expiration de ce délai, si sa notification n’est pas retirée, cet État cesse d’être membre de la Communauté ». Même si les instances supérieures de l’organisation recevaient, en mode express, la notification officielle de la décision de l’AES, il faudra, au minimum, un an, 365 jours, pour que cette volonté soit prise en compte et reçoive la réponse idoine. Chemin faisant, à tout moment, la dynamique peut être inversée. Au plan financier et matériel, c’est une forêt inextricable de conditions qui attend les trois (3) récalcitrants. Une bataille de longue haleine s’ouvre. L’issue en est certaine. Si, toutefois, des bouleversements (prévus ou imprévus) n’interviennent pas.
Inconvénients incontournables
Normalement, la libre circulation des biens et des personnes entre les trois (3) pays de l’AES et l’espace résiduel de la CEDEAO, est, de facto, restreinte et contrôlée. Il faudra peut-être un visa pour aller à Cotonou par exemple, et vice-versa, pour venir à Niamey. Du moins, sur le papier. Parce que, dans la réalité, de telles mesures sont impossibles à appliquer après tant d’années de routine. Les droits douaniers vont nécessairement grimpés, renchérissant d’autant, les coûts des marchandises destinées à l’espace AES, et réciproquement. Une telle option, si elle n’est pas accompagnée par une sortie immédiate de l’UEMOA, et donc, de la BECEAO, serait contreproductive. Ce qui, à n’en pas douter, créera une autre difficulté pour les échanges commerciaux. Bref, un temps de cafouillage inéluctable s’en suivra, mettant à l’épreuve la résilience des populations du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Oui, mais, la liberté a un prix. Et l’Oncle Sam est bien placé pour nous le rappeler, lui, qui a dû verser son sang pour arracher son indépendance réelle à l’Angleterre.
Avantages
D’office, les sanctions de la CEDEAO deviennent caduques. Comment, en effet, sanctionner un tiers qui ne fait plus partie de votre association ? Suivant ce même raisonnement, avec quel motif peut-on agresser quelqu’un qui refuse vos règles du jeu ? Toute attaque contre les pays de l’AES, désormais, selon les conventions internationales, s’apparente à une simple et pure agression d’un pays souverain, délié de toute obligation envers les agresseurs. L’ONU devra alors se prononcer, et prendre des mesures qui s’imposent. Du reste, si d’aventure, les Occidentaux ont une emprise excessive sur l’organisation des Nations-Unies, les pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, South Africa) sont là pour prendre la relève. Au jour d’aujourd’hui, ces pays représentent une alternative crédible, à l’omnipotence de l’ONU. En fait, mine de rien, les pays de l’AES, sont en train d’écrire une page glorieuse de l’histoire de l’Afrique. Que leur détermination aboutisse, ou soit entravée par des vents contraires, il n’en demeurera pas moins qu’ils auront posé les premières fondations des futurs Etats-Unis d’Afrique. Qui naîtront, tôt ou tard. Trois noms sont d’ores et déjà gravés sur les fonts baptismaux des luttes de libération des peuples asservis : Assimi Goita, Ibrahim Traoré et Abdourahamane Tiani. Au bout du compte, l’AES ne perd rien dans cette affaire. Elle peut parfaitement se passer de la CEDEAO dans la mesure ou la ZLECAF (Zone de Libre Echange Continentale Africaine), est en train de s’activer comme elle (peut-être mieux qu’elle) dans la dynamique d’intégration économique régionale ou continentale. Sic transit gloria mundi (ainsi passe la gloire du monde).