Les annonces récentes de la COLDEFF sur la récupération de milliards détournés ont créé un émoi bien justifié au sein de lasociété. Les chiffres énoncés sont astronomiques : plus de 25 milliards de francs, partiellement déjà encaissés, est un succès indéniable. On pourrait se réjouir de cette manne financière récupérée au nom de la justice. On pourrait, mais il demeure un “mais” de taille, qui altère sérieusement cette victoire apparente contre la corruption.
La COLDEFF, en se drapant dans un silence opaque sur l’identité des contrevenants, ne fait que la moitié du chemin. La divulgation des noms des détourneurs n’est pas un caprice médiatique, ni un acte de voyeurisme judiciaire, mais un puissant outil éducatif. En gardant l’anonymat des fraudeurs, la COLDEFF prive le public d’une composante essentielle de la justice : la visibilité des actes répréhensibles et de leurs auteurs. Comment espérer une réelle dissuasion si l’anonymat continue de protéger les coupables ? Le peuple a le droit de savoir qui sont ceux qui l’ont privé de ressources cruciales. La transparence n’est pas une option dans la lutte contre la corruption, elle est une nécessité.
La démarche actuelle de la COLDEFF, si louable soit-elle dans son principe de récupération des fonds, reste incomplète. En dissimulant les auteurs de ces méfaits, elle encourage implicitement la perpétuation de ces actes délictueux. Les margoulins de demain, armés de l’assurance de l’impunité, continueront à s’adonner à leurs forfaitures, confortés par l’idée qu’ils échapperont, eux aussi, aux fourches caudines de la justice.
En effet, l’aspect dissuasif de l’opération de la COLDEFF est mal exploité. La justice n’est pas qu’une affaire de restitutionde fonds, c’est aussi une question d’exemplarité. Comment assurer une justice équitable quand les critères de remboursement restent flous, et les véritables étendues des détournements, méconnues ? Comment garantir que la voie empruntée n’est pas teintée de sélectivité ou d’arbitraire ?
Il ne s’agit pas ici de plaider pour un étalage sensationnel à la manière des Tribunaux Populaires Révolutionnaires de l’époque de Thomas Sankara au Burkina Faso. Mais la situation exige un minimum de visibilité pour que justice soit rendue en pleine lumière. Une telle démarche aurait des vertus curatives et pédagogiques incontestables, en éduquant le public et en démontrant que nul n’est au-dessus de la loi.
En conclusion, l’heure est venue pour la COLDEFF de compléter sa mission. Cela passe indéniablement par une divulgation des noms des contrevenants. Sans cette dimension, la COLDEFF, malgré ses succès financiers, échoue dans une part cruciale de sa mission : celle d’inculquer une culture d’intégrité et de responsabilité.