Au cœur de l’Union européenne (UE), l’avenir des 70 millions d’euros d’aide militaire initialement promis à l’administration de l’ancien président Mohamed Bazoum suscite d’intenses débats. Cette somme conséquente, allouée en juillet 2022 et actuellement gelée suite au coup d’État du général Abdourahamane Tchiani le 26 juillet 2023, devient un véritable casse-tête pour les dirigeants européens.
Au sein du Comité politique et de sécurité (COPS) de l’UE, les réunions mensuelles sont dominées par cette question épineuse. Les divergences d’opinions parmi les Vingt-Sept sur la position à adopter vis-à-vis de la junte au pouvoir à Niameysont palpables. D’une part, l’Allemagne et la France prônent la réaffectation des fonds destinés à Niamey, tandis que de l’autre, l’Italie, sous l’administration de Giorgia Meloni, adopte une posture plus conciliante envers le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP).
L’Italie, guidée par des considérations tant migratoires que stratégiques, avance l’importance de maintenir un dialogue avec les dirigeants actuels du Niger, un pays clé dans les flux migratoires vers l’Europe. De plus, la perspective de gérer ces fonds européens est alléchante pour l’Agenzia Industrie Difesa(AID) du ministère italien de la Défense, qui aspire à remplacer Expertise France dans la gestion des aides européennes au Sahel.
Les raisons de cette convoitise sont multiples. L’AID, choisie pour gérer les 70 millions d’euros, y voit l’opportunité d’équiper les Forces armées nigériennes (FAN) et de se positionner comme un acteur incontournable dans la région, remettant en question la prédominance française. Cependant, en dépit de ces aspirations, il n’existe aucune certitude quant à la gestion de ces fonds par l’Italie, même en cas de déblocage de l’aide.
En cas de réallocation, les pays côtiers ouest-africains comme la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo ou le Ghana pourraient être privilégiés, des territoires où l’influence italienne est moindre comparée à celle qu’elle revendique au Niger.
La position italienne, jugée trop accommodante envers les juntes sahéliennes, fait l’objet de critiques ouvertes de la part d’autres États membres de l’UE. Cette divergence d’approches soulève des préoccupations au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui attend de l’UE un soutien ferme face à l’Alliance des États du Sahel (AES), regroupant le Niger, le Mali et le Burkina Faso, tous dirigés par des régimes militaires.
Dans l’attente d’une évolution de la situation, les 70 millions d’euros resteront gelés, marquant une impasse qui reflète les défis de la diplomatie européenne dans la gestion des crisespolitiques en Afrique, et en particulier dans le contexte complexe du Sahel.