Un affrontement régional aux répercussions profondes
Huit mois après son accession au pouvoir, le CNSP (Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie) dirige le Niger dans une atmosphère de tensions accrues et d’incertitudes sans précédent. La décision prise en fin janvier, de se retirer de la CEDEAO (Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest), en compagnie du Mali et du Burkina Faso, révèle non seulement une profonde fracture régionale, mais aussi une fragilisation inquiétante de l’Afrique de l’Ouest. Cette scission a créé deux blocs se faisant face à face : d’un côté, des démocraties civiles contestées, de l’autre, des juntes militaires autoritaires, mais tout aussi fragiles. Ce schisme a ouvert la voie à un affrontement indirect entre grandes puissances sur le continent africain, notamment entre la Russie de Vladimir Poutine et les puissances occidentales, avec l’Afrique de l’Ouest comme nouveau terrain d’affrontement.
Les alliances douteuses et les répercussions économiques
Le CNSP, dans son jeu diplomatique risqué, se rapproche de pays adversaires de l’Occident, tels que la Russie, l’Iran et la Turquie, adhérant à la logique “les ennemis de mes ennemis sont mes amis”. Cette orientation s’accompagne également d’un flirt avec le Maroc, qui cherche à étendre son influence dans la région, notamment à travers une offre d’alliance économique lors d’une rencontre avec les Etats de l’AES à Marrakech. Tout cela sous le nez et la barde de l’Algérie, son rival de toujours, qui ne voit pas cela d’un bon œil. Ce repositionnement diplomatique, loin d’être anodin, met en péril la stabilité du Niger. La sortie de la CEDEAO menace également l’économie nigérienne, déjà précaire, en entravant l’accès vital à la mer vital pour les importations et les exportations dont dépendent l’économie du pays. De plus, la recrudescence des attaques jihadistes dans la région et la détérioration de la coopération sécuritaire ne font qu’exacerber la situation déjà difficile du pays.
Une ambiguïté calculée
La stratégie du CNSP témoigne d’une ambiguïté calculée : une rupture avec le cadre politique de la CEDEAO pour échapper à ses règles démocratiques, mais rester dans le cadre économique et monétaire offert par l’UEMOA pour en garder tous les avantages en matière de business. Cette démarche cynique révèle un désintérêt flagrant pour les principes démocratiques et une volonté de maintenir des avantages économiques sans en assumer les responsabilités politiques.
Une gouvernance sans cap et une transition incertaine
Le CNSP continue de naviguer sans cap clair, sans ligne politique claire, adoptant une approche de plus en plus radicale avec des partenaires dans le domaine de la coopération militaire, sans envisager sérieusement la tenue d’élections. La période de transition reste floue, et le Niger, confronté à de nombreuses difficultés sécuritaires et économiques, semble loin de trouver un chemin vers la stabilité. La junte, en s’engageant dans cette fuite en avant, démontre une réticence marquée à l’organisation d’élections et à la mise en place d’un véritable processus démocratique.
Un appel à la responsabilité
En conclusion, la trajectoire du CNSP, huit mois après son arrivée au pouvoir, n’est rien moins qu’alarmante. Elle est marquée par des alliances géopolitiques douteuses, des problèmes économiques croissants, une instabilité sécuritaireet une gouvernance dépourvue de toute vision démocratique et inclusive, qui ne font qu’approfondir la crise politique et sociale du pays. Le CNSP, à travers ses actions impulsives et son manque de vision stratégique, mène le Niger vers une voie hasardeuse. Il est impératif que les dirigeants actuels réévaluent leurs choix et stratégies, en tenant compte des conséquences à long terme pour le pays.