Comme vous le savez, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) a annoncé en août dernier son intention de « poursuivre » le président renversé pour « haute trahison »et « atteinte à la sûreté » du pays. « Le gouvernement nigérien a réuni à ce jour » les « preuves pour poursuivre devant les instances nationales et internationales compétentes le président déchu et ses complices locaux et étrangers, pour haute trahison et atteinte à la sûreté intérieure et extérieure du Niger », avait alors déclaré le colonel-major Amadou Abdourahamane, le porte-parole de la junte, dans un communiqué lu à la télévision nationale.
Le gouvernement dit appuyer ses accusations sur des « échanges » de Mohamed Bazoum avec des « nationaux », des « chefs d’État étrangers » et des « responsables d’organisations internationales ». Aussi, deux (2) requêtes visant la levée de l’immunité du président déchu sont adressées à la Cour d’État, la plus haute juridiction en matière judiciaire de notre pays. Cette dernière, toutes chambres réunies, a examiné lesdites requêtes ce vendredi 05 avril.
Coup de théâtre
Dès le départ, le président déchu Mohamed Bazoum était défendu dans ce dossier par deux jeunes avocats nigériens : Maîtres Fatouma Moussa Lanto et Ould Salem Moustapha Saïd. Mais ces derniers se retirent du dossier à la barre, laissant la place à Maître Moussa Coulibaly, un ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Niger. Il est épaulé par deux confrères ouest-africains : un Sénégalais et un Mauritanien. Maîtres Lanto et Ould Salem ont-ils été contraints de se retirer ? Ce qui est sûr, Maître Moussa Coulibaly s’est constitué peu avant l’audience. Toutnaturellement, il a demandé à la Cour un renvoi pour au moins un mois pour lui permettre de prendre connaissance du dossier et d’accéder à son client, dénonçant au passage une procédure secrète. Mais le Procureur général (PG) s’y oppose fermement, estimant que l’avocat n’avait pas fait diligence pour accéder au dossier principal qui se trouve au Tribunal militaire et dont le juge d’instruction, seul, pourrait lui permettre d’accéder à son client. Autrement dit, Maître Moussa Coulibaly n’aurait pas adressé de lettre de constitution au Tribunal militaire. Convaincue par les arguments de droit du PG, la Cour a rejeté les demandes de l’avocat et retenu le dossier.
Des requêtes
La Cour d’État a reçu deux (2) requêtes aux fins de levée de l’immunité de l’ancien président Mohamed Bazoum pour être jugé.
– La première, datée du 08 janvier 2024, émane du juge d’instruction du Tribunal militaire et se fonde exclusivement sur la tentative d’exfiltration du président déchu. Une tentative qui se serait déroulée en quatre (4)étapes et qui aurait nécessité plusieurs dizaines de millions de francs pour sa mise en exécution. Le rapporteur désigné par le président de la Cour pour examiner cette requête a par des arguments de droit estimé que le juge d’instruction du Tribunal militaire n’a pas qualité pour agir dans cette matière. Du coup, les arguments qu’il avait avancés sont irrecevables. Le PG était aussi du même avis. La Cour a donc rejeté cette requête.
– La deuxième requête, datée du 13 février 2024, émane du substitut du commissaire du gouvernement près le Tribunal militaire. Objectif : interpeller l’ancien président pour être jugé pour des faits d’attentat et complot, de trahison, d’apologie du terrorisme, et de financement de terrorisme. Des faits prévus et punis par le code pénal et le code de justice militaire. Et les preuves de ces faits reprochés à Mohamed Bazoum ont été jointes à cette requête, exceptées celles du financement de terrorisme qui seront apportées ultérieurement avec la levée de l’immunité, a laissé entendre le PG.
La décision de la Cour
Pour le magistrat-rapporteur comme pour le procureur général, la deuxième requête est recevable. C’est ainsi qu’ils ont développé des arguments de droit pour tenter de convaincre les autres membres de la Cour d’État du bienfondé de ladite requête. La Cour a mis sa décision en délibéré pour le 10 mai prochain. Affaire à suivre…