En marge de la conférence publique organisée le 11 avril dernier par le Réseau panafricain pour la paix, la démocratie et le développement (Reppad) pour commémorer le 25e anniversaire de l’assassinat ignoble du président Ibrahim Baré Maïnassara par sa garde prétorienne, nous nous sommes entretenus avec son frère cadet sur les attentes de sa famille et ses proches, qui réclament toujours la lumière sur le drame, sous cette nouvelle ère de transition.
L’Enquêteur : Une conférence publique a été organisée le 11 avril dernier par le Réseau panafricain pour la paix, la démocratie et le développement (Reppad) pour commémorer le 25ème anniversaire de l’ignoble assassinat du président Baré Mainassara Ibrahim, à Niamey. Quel est le but visé à travers l’organisation de cette activité ?
Djibrilla Baré : Ce que je dois vous dire, c’est simplement que c’est depuis une dizaine d’années, depuis 2013 exactement, que le Reppad, organisation de la société civile qui n’est plus à présenter, organise sans discontinuer une conférence les 09 avril, correspondant à la date anniversaire de l’assassinat du président Baré. Le Reppad en fait de même pour la date anniversaire de l’assassinat du Capitaine Thomas Sankara. La particularité de cette 25 année de la mort du président Baré, c’est qu’elle coïncide avec l’avènement du CNSP avec, à sa tête le général Abdourahamane TIANI, qui, nous en sommes certain, n’a trempé ni de près ni de loin, dans l’ignoble assassinat du président Baré du 09 avril 1999. Autre coïncidence heureuse, je dirais, le général TIANI et ses compagnons s’inscrivent indiscutablement comme leur aîné et prédécesseur, le général Baré, dans une lutte acharnée pour arracher la souveraineté de notre pays avec, comme conséquence, le bras de fer classique avec les occidentaux désireux de nous garder dans la dépendance. Je ne vous apprends rien, en vous disant que le président Baré, quelques semaines après sa prise de pouvoir le 27 janvier 1996, à la tête du Conseil de Salut National, avait demandé et obtenu le départ de l’Ambassadeur de France au Niger qui avait l’habitude de se croire en terre conquise. A La différence de la crise diplomatique récente avec les autorités françaises, c’est que le président Jacques Chirac a compris et a accepté de le rappeler et de le remplacer sans histoire. Mais le bras de fer avec les Etats Unis a persisté jusqu’à son assassinat. Pour revenir à votre question, le Reppad a tenu à préciser qu’à l’occasion de cette transition salutaire en cours, il insistera pour obtenir du CNSP l’ouverture d’une enquête indépendante sur l’assassinat du président Baréet de ses trois compagnons d’infortune à savoir, S.E Ali Sahad, ami intime du président Baré, le Lieutenant Idé, chargé de présenter les honneurs au président à son départ, et le chauffeur du président Mallam Souley Kané, au nom du droit à la vérité recommandé par l’arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO. C’est ce que j’ai retenu de la communication du Reppad à qui j’exprime, au nom de la famille Baré, des proches parents et des amis et connaissances, notre profonde gratitude pour cet engagement plus que désintéressé.
25 ans après ce lâche assassinat, la famille, les amis et les connaissances du défunt revendiquent toujours la lumière sur le drame, sans succès. Comment interprétez-vous ce refus manifeste de faire droit à cette requête par tous les régimes qui se sont succédé au pouvoir, depuis plus de deux décennies ?
Ce que l’adage dit, c’est que le silence est une réponse. En se taisant sur la question, ils n’ont fait que s’enfoncer. Ces autorités ont donné raison à l’assassin du président Baré qui avait alors déclaré, urbi et orbi, lors d’une interview accordée à une célèbre radio internationale : «J’ai agi après consultation de la classe politique et la société civile ».
Il n’existe pas un seul Nigérien pour les croire capables de faire droit à la vérité en réalisant une enquête sur la mort de Baré. C’est ma conviction. Mais ce que je peux vous confier, c’est qu’avec les évènements du 26 juillet 2026, le dernier dirigeant présumé co-auteur ou complices de l’assassinat du président Baré a été balayé.
L’espoir est-il permis de voir enfin la requête aboutir sous cette nouvelle transition militaire ?
Tous les espoirs sont permis avec l’arrivée de patriotes au pouvoir. Vous savez que seuls les idiots utiles de la démocratie peuvent croire que le président Baré a été tué pour des questions de démocratie comme certains politiciens ont voulu le faire croire. En Afrique, ces derniers temps, même les personnes les moins averties ont compris que les questions de démocratie sont mises en avant pour se débarrasser de patriotes qui défendent la souveraineté des pays. Les membres du CNSP sont dans la même trajectoire que le défunt président Barédans la défense de la souveraineté de notre pays. Conséquemment, ils courrent les mêmes risques d’élimination physique que lui. Le contexte régional aidant, le CNSP a même été beaucoup plus loin en dénonçant les accords léonins liant note pays à des puissances occidentales, qui n’hésitent pas à utiliser des moyens expéditifs pour défendre leurs intérêts. Alors, en réalisant une enquête sur l’assassinat du président Baré, ils dissuaderont en même temps les candidats potentiels aux crimes politiques complices des puissances dominatrices pour des motifs de domination impérialiste. Tous ceux qui ont voulu remplacer Barévia l’opération dont le nom de code était « Scier le baobab », en se présentant, au besoin, comme des … restaurateurs de la démocratie, ont fait pire que Baré. Ils ont bradé le pays à vil prix et se sont comportés en véritables ploutocrates. Ce qui a sauvé le dossier Baré, c’est que la justice divine, d’habitude plus lente à sévir que celle des hommes, a ainsi agi très rapidement pour frapper le «boucher en chef» du corps de Baré. Ces pseudos démocrates qui sont prompts à se servir de la démocratie pour justifier des assassinats politiques, qui leur permettront de retrouver très vite les ors de la République, ne sont pas bien loin et sont prêts à agir à tout moment, en s’associant à des puissances étrangères comme par le passé. Gouverner, on le sait, c’est prévoir. C’est pourquoi, nous demeurons convaincus que le CNSP, qui, selon notre intime conviction, n’a aucun intérêt à couvrir les auteurs, co-auteurs et complices de l’assassinat du président Baré, autorisera une enquête sur son assassinat et ceux de ses trois (3) compagnons d’infortune (paix à leurs âmes) ce, au nom du droit à la vérité, recommandé par l’arrêt de la Cour de justice de la Cedaeo du 23 octobre 2015. La loi d’amnistie des auteurs, co-auteurs et complices derrière laquelle les assassins opportunistes de Baré se sont toujours refugiés pour différer l’enquête ne peut rien empêcher puisque, dans son arrêt, la Cour de justice de la CEDEAO a conclu : « La Cour est d’avis que la nécessité d’un oubli collectif ne peut faire litière du droit de savoir, du droit d’accéder à la vérité que les victimes des faits en cause peuvent avoir », et « Il convient de conclure qu’en ayant donné des mesures d’amnistie une interprétation qui s’est traduite par un véritable déni de justice pour la famille BaréMainassara, les organes de l’Etat du Niger ont violé le droit de celle-ci à un recours» (paragraphes 57 et 69).