Croyez-le ou pas, mais, cela nous fend le cœur de devoir dire que malgré tous ses résultats brillants, au plan matériel, la commission de lutte contre la délinquance économique,financière et fiscale (Coldeff) n’est pas exempte de reproche. Elle est en train de faire, il est vrai, du bon boulot, oui, mais, à moitié. Pour une raison que nous ne parvenons à discerner très clairement, elle intègre le sens de sa mission de manière très restrictive, réductrice. Elle avance comme un unijambiste capable d’exécuter des sauts spectaculaires, et cependant, peu probants par rapport aux objectifs exprimés conjointement par les nouveaux maîtres du pays et par la population dans sa très massive adhésion à la nouvelle dynamique. Gros plan.
Les intérêts du Niger
Créée le 20 septembre 2023, la Coldeff, au-delà de ses missions spécifiques de lutte contre la corruption, la délinquance économique, financière et fiscale, doit veiller à préserver les intérêts du pays en toute circonstance . Tout naturellement, le président de la nouvelle structure, le colonel Abdoul Wahid Djibo et ses collaborateurs, ont privilégié les intérêts matériels avant toute chose. C’est-à-dire, le besoin obsédant de récupérer auprès des indélicats tout ce que ceux-ci auraient indûment perçu. Sur ce point là, tout va bien, nos justiciers sont auréolés de gloire pour le travail « sans peur, et sans reproche » qu’ils ont accompli. Seulement, ils ont oublié l’essentiel de toute pédagogie. A savoir, relever et punir tout délit décelé, afin qu’il ne puisse pas se reproduire de sitôt. Notre pays a certes des intérêts matériels à sauvegarder, mais aussi des intérêts moraux qui affermissent sa cohésion et le désir de vivre ensemble.
Certes, le vendredi 19 Avril 2024, la Commission a été reçuepar le général de brigade Abdourahamane Tiani à qui ils ont fait un compte rendu fidèle de leurs efforts depuis leur dernière rencontre du 15 mars 2024. Aujourd’hui, avec une fierté légitime, ils brandissent un résultat d’un total appréciable de 42.930.632.813 (Presque 43 milliards) de francs CFA, avec 24.312.760.169 francs CFA déjà encaissés et 18.617.862.644 francs CFA en cours de recouvrement. Mission accomplie. A moitié. Le tout n’est pas la quantité mais la qualité de ce qui est recouvré. Du point de vue du ressenti du peuple. En clair, qui a remboursé, combien, et pourquoi ? Comment savoir qu’il n y a pas eu une sélection des cibles ? Comment savoir qu’on n’a pas oublié quelques gros poissons en chemin ? Comment arrêter une hémorragiequand on ne sait même pas comment elle est provoquée ? Cette fixation, cette omerta injustifiée, à la manière de la mafia, sur les noms des contrevenants et les méthodes employées, de toute évidence, est contre-productive si le souci est de guérir la plaie. Sans en arriver à la foire des TPR ( Tribunaux Populaires de la Révolutions), il est indispensable, primordial, que le Peuple sache qu’il n y a pas eu une magouille dans la manière de traiter les dossiers des délinquants, ou supposés tels.
Pourquoi tient-on à sauvegarder, coûte que coûte, vaille que vaille, leur anonymat ? Est-ce parce qu’ils font preuve de bonne volonté en rendant ce qu’ils ont indûment perçu et que cela suffise comme punition ? Qui peut être candide à ce point ? La leçon qui porte et s’imprime longtemps dans le comportement des hommes, est toujours plus profonde quand elle est plus morale que physique. Une dimension, semble-t-il, négligée par Les responsables de la Coldeff. Il se peut aussi que leur posture soit dictée par une sorte de déférence inconsciente envers le « possédant » , qui l’est, parce qu’il a justement suivi des voies peu recommandables.
La clarté, rien que la clarté, et toute la clarté
La Coldeff marche sur une jambe tant qu’elle ne publiera pas toutes les vérités sur ses investigations et ses résultats. C’est indubitable.
Un peuple, quel qu’il soit, ne peut se réconcilier avec son passé ou les membres qui le composent, qu’après le filtre‘’vérités et réconciliation ‘’. Passer outre, c’est se condamnerà faire un travail superficiel qui ne laissera pas de trace dans l’Histoire. Oui, nous aimerions ne pas le dire, mais, nous le disons, la Coldeff fait du travail à moitié.