Les premiers pas de la presse indépendante au Niger sont ainsi décrits : «À partir de janvier 1990, à la faveur des réformes démocratiques, la chape de plomb se fissure. Le pouvoir autorise l’existence d’une presse privée indépendante. Ibrahim Cheick Diop, ancien rédacteur en chef des publications du ministère de l’Information, crée le bimensuel indépendant d’information et de réflexion Haské (la lumière en langue Haoussa) », rapporte Seidik Mamadou Abba dans un article intitulé « Les problèmes de la presse indépendante au Niger », publié en 1994 dans le numéro 54 de la revue « Politique africaine ». Pour Ibrahim Cheick Diop, le combat est clair : « Nous avons voulu ainsi mettre fin à l’existence d’une source unique d’information », a-t-il alors souligné. Une précision de taille : le tirage du deuxième numéro de Haské a atteint les 15.000 exemplaires.
Ces années fastes sont bien derrière les acteurs de la presse privée (écrite notamment) nigérienne. « […] Les organes privés souffrent d’une grande précarité économique. Celle-ci s’est accentuée avec les sanctions imposées par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) depuis le coup d’État de fin juillet 2023. La chute des recettes, avec le manque d’annonceurs et les faibles ventes, ainsi que les coûts élevés de l’impression et le développement des réseaux sociaux menacent la survie des journaux », lit-on dans un récent document publié par Reporters Sans Frontière (RSF). Disons-le clairement, la presse privée nigérienne se meurt à petit feu. À cette précarité constante s’ajoutent les menaces sur l’exercice du métier de journaliste. « Le 24 avril 2024, le directeur de publication du journal L’Enquêteur, Soumana Maïga, a été arrêté après que son journal a publié un article sur l’installation présumée d’équipements d’écoute par des agents russes sur des bâtiments officiels de l’État. Il est détenu pour ‘’atteinte à la défense nationale’’ », alerte RSF. Ousmane Toudou, journaliste et ex-conseiller en communication des présidents Issoufou Mahamadou et Mohamed Bazoum, a été interpellé à Niamey, le 13 avril 2024, avant son incarcération à la prison de Kollo par le doyen des juges d’instruction ce 25 mai. Les misères des journalistes de la presse privée ne sont pas près de finir au Niger. « C’est avec beaucoup de surprises et d’inquiétudes que le Collectif des Organisations socioprofessionnelles des Médias Privés a appris ce jour 28 Mai 2024, le licenciement abusif de 36 Agents du Groupe de Presse Canal 3 Niger composé de Journalistes, Cameramens, techniciens, monteurs et Chauffeurs pour avoir réclamé deux (2) mois de salaires sur 18 mois d’arriérés de salaires », apprend-on. C’est clair, les conditions d’une presse libre, indépendante et viable se détériorent à vue d’œil au Niger. Malheureusement, l’embellie n’est pas pour demain.