Un fin négociateur
« Êtes-vous également dans cette stratégie du ‘’Tout sauf PNDS’’ ? » À cette question qui lui a été posée peu avant la présidentielle du 27 décembre 2020, Albadé Abouba a fait montre d’une grande lucidité politique : « J’ai appris à me méfier des déclarations qui sont faites avant un premier tour. L’expérience nous a démontré que la réalité de l’entre-deux-tours peut souvent être différente de celle d’une campagne électorale », a-t-il répondu. Le leader du MPR-Jamhuriya a bien vu. Le voilà de nouveau avec le parti au pouvoir bien qu’il se soit affiché aux côtés de Salou Djibo pour contester la nationalité nigérienne d’origine du candidat du PNDS-Tarayya. Albadé Abouba n’a pas son pareil pour négocier une entente politique. En août 2013 (contre l’avis de son parti originel, le MNSD-Nassara), il s’est retrouvé ministre d’État à la présidence de la République. En 2016, il a remis le couvert avec le PNDS-Tarraya jusqu’en 2020. Doué pour tirer les marrons du feu, l’ancien protégé de Tandja Mahamadou a boosté ses ambitions politiques, il rêve de diriger une institution républicaine de premier rang.
Pas de guerre d’égo
C’est un secret de Polichinelle, le patron du MPR-Jamhuriya a rondement marchandé son ralliement à Bazoum Mohamed. Albadé Abouba ne s’en cache pas, il veut donner vie au projet de Sénat consigné dans la Constitution de l’éphémère 6ème éphémère qu’il ardemment défendue aux côtés de Tandja Mahamadou en 2009. Nous l’avions rapporté dans plusieurs de nos parutions, le deal entre le président de la République et Albadé Abouba est dans sa phase de concrétisation. Il y a quelques mois de cela, un « comité » a été mis sur pieds pour explorer les voies et moyens devant conduire à la création d’un Sénat au Niger. Le comité en question a établi son rapport. Et Bazoum Mohamed serait aussi d’accord avec ses conclusions. Il n’y donc plus d’obstacles à la création d’un Sénat au Niger. A présent, le seul point de blocage serait la prééminence de l’Assemblée nationale et celle du Sénat. Laquelle de ces deux institutions faut-il placer au-dessous de l’autre ? Ou bien l’Assemblée nationale et le futur Sénat vont-ils coexister sur le même piédestal en termes de prééminence ? Ainsi, il n’y aura pas de clash d’égo entre Seïni Oumarou et Albadé Abouba, les deux principaux alliés de Bazoum Mohamed. L’avenir nous le dira…
Détricoter le CESOC
Pour Bazoum Mohamed, il y a un coût politique à payer s’il veut satisfaire le leader du MPR-Jamhuriya. Créer un Sénat dans un pays en proie à la pire crise sécuritaire de son histoire, est une entreprise périlleuse en termes d’image pour le président de la République. Un Sénat dans un État où tout est prioritaire n’est certainement pas une idée lumineuse, le président de la République en est conscient. Des sources au fait du dossier, le régime en place envisage de transformer le Conseil Économique Social et Culturel (CESOC) en une nouvelle institution en phase avec les ambitions d’Albadé Abouba. Le CESOC a pour mission fondamentale « d’assister le Président de la République et l’Assemblée Nationale dans les domaines économique, social et culturel, à l’exception des lois des finances. Il peut aussi initier et proposer à l’Exécutif ou au Parlement des réformes dans les domaines économique, social et culturel. » L’objectif est d’étoffer les prérogatives de la nouvelle entité pour en faire une espèce de ‘’Sénat’’ (l’appellation reste à déterminer) tel que voulu par Albadé Abouba. Le mandat de l’actuel patron du CESOC, Malam Ligari Mairou, viendra à terme en septembre prochain. Tout laisse croire que la nouvelle institution verra le jour aux alentours de cette date ou peu après. En attendant, il y a lieu de se poser ces questions : l’élite dirigeante nigérienne ne pense-t-elle qu’à ses seuls intérêts ? La classe politique actuelle a-t-elle réellement l’ambition de travailler pour le Niger et son peuple ? Les 22 millions de Nigériens en tout cas que nous sommes ont mille et une priorités, et la création d’un Sénat (ou d’une institution similaire) n’en fait point partie.