L’affaire Ben Soumah (nous en avions parlé dans plusieurs de nos parutions) est loin de connaître son épilogue. Un volet de cette affaire se rapporte à une escroquerie présumée portant sur la somme de 13.300.000 francs CFA au préjudice de Mahamadou Moussa Ben Soumah. Le 23 juin dernier, le magistrat Grégoire Ahmed Éric, ancien juge d’instruction au Pôle judiciaire spécialisé en matière économique et financière du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey, était interpellé et placé en détention après que la Cour de cassation, la plus haute juridiction en matière judiciaire, ait ordonné l’ouverture d’une information judiciaire contre lui pour complicité d’escroquerie. Dans le même cadre, un mandat d’arrêt a également été décerné, le 07 juin 2022, contre le sieur Abdoul-Aziz Hassane, revendeur de véhicules demeurant à Niamey, pour escroquerie portant sur les sommes de 3.300.000 francs et 10.000.000 francs. Ces faits sont prévus et punis par les articles 48, 49 et 333 du code pénal. Abdoul-Aziz a été appréhendé le lundi 02 août et déposé en prison.
De quoi s’agit-il ?
Dans notre parution du lundi 13 septembre 2021, nous vous parlions de faits de corruption présumée au Pôle judiciaire spécialisé en matière économique et financière du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey. Trois (3) magistrats avaient été soupçonnés d’avoir reçu des pots-de-vin dans le cadre de cette affaire Ben Soumah, mais seul Grégoire Ahmed Éric sera épinglé. Abdoul-Aziz Hassane, qui a ses entrées dans les palais de justice, avait promis à Ben Soumah de l’aider à sortir de prison. C’est ainsi qu’il organise une rencontre, à son domicile, entre le juge d’instruction Éric et Ben Soumah qui était en détention. Avaient-ils parlé d’argent à gagner au cours de cette rencontre ? Éric avait-il demandé à Ben d’introduire une demande de liberté provisoire ? Affirmatif, d’après l’audition d’Abdoul-Aziz par l’Inspection générale des services judiciaires (IGSJ). En effet, une maison bâtie et un véhicule, qui étaient sous scellés entre les mains du juge Éric, seront vendus par Abdoul-Aziz. Ce dernier reconnut avoir disposé, sur le produit de la vente, de la somme de 13.300.000 francs à des fins personnelles. L’autre partie de l’argent avait-elle servie à soudoyer des juges ? Ce qui est sûr, dans son rapport d’enquête daté du 16 septembre 2021, l’IGSJ a nommément mis en cause le juge Éric. « Le magistrat Éric Grégoire Ahmed a commis des violations manifestes et délibérées de la loi, a eu des comportements incompatibles avec son statut de magistrat. A son égard, des manquements, comportements et fautes pouvant conduire à des sanctions disciplinaires et pénales peuvent être retenues ».
De la plainte contre Abdoul-Aziz
Fort de ses accointances avec certains magistrats, Abdoul-Aziz promit à Ben Soumah de l’aider à sortir de prison. Mais pour cela il faut de l’argent. Sans sourciller, Ben autorise la vente de son véhicule de marque Hyundai. Une vente qui rapporte 3.300.000 francs. En outre, une maison appartenant à la mère de Ben Soumah sera vendue à 29.000.000 francs. Sur ce montant, Ben affirme à la police judiciaire, le 5 novembre 2020, que Abdoul-Aziz aurait prélevé la somme de 10.000.000 francs pour, disait-il, « désintéresser des juges ». Selon toujours Ben Soumah, Abdoul-Aziz lui avait par ailleurs réclamé une autre somme de 10.000.000 francs pour cette fois-ci le juge d’instruction Éric en vue de l’obtention d’une mesure de remise en liberté provisoire, mais qu’il n’aurait pas accédé à cette requête. Bien qu’inculpé d’escroquerie présumée et de faux et usage de faux présumés, Ben Soumah est laissé en liberté provisoire par le juge Éric. Mais devant les protestations du président du tribunal, cette mesure est rapportée par le même juge.