C’est l’éléphant dans la pièce que tout le monde fait mine d’ignorer : après quinze mois passés au pouvoir, Bazoum Mohamed n’arrive pas à s’émanciper de Mahamadou Issoufou et sa gouvernance laisse à désirer : corruption, impunité, enrichissement sur le bien commun par le biais de marchés par entente directe contestables, incapacité de l’Exécutif à vaincre les groupes djihadistes et à empêcher la prolifération du terrorisme, système de santé défaillant, école en perdition et cherté de la vie qui gâche tout. Et le chef de l’Etat est conscient de sa difficulté à trouver des solutions efficaces aux innombrables problèmes qui assaillent ses compatriotes. En politique, vouloir n’est pas pouvoir. Et pour tout dire, les Nigériens en ont vraiment assez ! Nous ne disons pas que tout va à vau-l’eau. Mais nous avons simplement l’impression confuse qu’il n’y a personne au gouvernail.
Bien entendu, le président de la République, entre deux avions, a le temps de présider un Conseil des ministres. Bien entendu, le Premier ministre, tant bien que mal, essaie de faire bonne figure. Mais tout le monde, du moins les Nigériens dans leur majorité, sentent qu’il fait plus de la figuration que de coordination de l’action gouvernementale, comme l’y invite la loi fondamentale. Bien entendu, des ministres (pas tous) prennent à cœur leurs missions et s’en acquittent avec sérieux et conviction. Bien entendu, à plusieurs échelons, nous voyons des compatriotes se donnant corps et âme aux tâches que leur assigne l’Exécutif. Tout cela est manifeste comme l’est aussi une certaine forme de laxisme ambiant. Tout se passe comme si les gens, résignés, fatigués, attendaient que les mauvais temps s’estompent. Il reste qu’il y a beaucoup trop d’amateurisme dans les orientations et décisions du gouvernement. Les Nigériens ont en face d’eux un président de la République à cours d’idées, hésitant, sans vision. Dans ce brouillard qui nous bouche l’horizon, Bazoum aura-t-il l’audace de secouer enfin le cocotier, pour repartir du bon pied ? A-t-il seulement le choix ? Peut-il s’offrir le luxe de se laisser porter par les événements (l’inexorable envolée des prix des denrées alimentaires et des autres produits) comme l’écume des vagues après seulement quinze mois passés aux commandes de l’Etat ? En attendant, le plus inquiétant est l’apathie boudeuse dans laquelle s’est retranchée les Nigériens, convaincus dans leur majorité que Bazoum ne peut rien pour eux.