L’on a l’habitude d’entendre des gens raconter en ville que le zoo du musée national n’est plus que l’ombre de lui-même aujourd’hui, qu’il n’y a pratiquement plus d’animaux sauvages et les quelques rares spécimens restants sont mal nourris. Pour en avoir le cœur net, nous avons fait le déplacement du musée pour vérifier. Notre constat !
Créé en 1959 à Niamey, à quelques encablures du fleuve, par le célèbre écrivain et homme politique Boubou Hama, président du Parlement de la 1ère République du Niger, le musée national couvre une superficie d’environ 24 hectares. Il a pour vocation de servir de cadre d’exposition de notre riche patrimoine culturel et artistique mais aussi des spécimens vivants de notre faune très riche et diversifiée. Erigé en établissement public à caractère scientifique, technique et culturel depuis 2015, le musée a connu un temps de splendeur jusqu’au début de la décennie 90. C’était un point de passage obligé pour les hautes personnalités étrangères en visite dans notre pays. Faute d’une attention soutenue de la part des pouvoirs publics, les espèces fauniques dont le nombre se chiffrait à près de 300 individus au départ se sont progressivement amenuisées pour s’établir à seulement 70 espèces au moment où les responsables actuels du musée ont pris fonction. ‘’Tous les animaux qui étaient au musée étaient rassemblés grâce à la détermination de Boubou Hama. Il faisait son plan d’acquisition et partait lui-même à la Tapoa ou ailleurs pour chercher des spécimens d’animaux sauvages’’, raconte Haladou Mamane, Directeur Général de l’institution. ‘’A mon arrivée, j’ai trouvé 70 individus. Nous avons bataillé pour être à 142 individus actuellement, en dépit des difficultés pour en acquérir, du fait de la destruction des habitats naturels des animaux sauvages’’, souligne Mamane. Selon lui, ces nouvelles acquisitions ont pu être faites grâce à des philanthropes qui donnent des espèces au musée mais surtout sur fonds propres de l’institution. Ce n’est certes pas encore l’embellie, mais de nombreuses cages vides auparavant sont aujourd’hui occupées par des espèces d’animaux et d’oiseaux, comme nous avons pu le constater. Comment sont-ils entretenus ? Les ressources allouées au musée par l’Etat sont-elles consistantes pour couvrir les charges de fonctionnement de l’institution ?
Tenir le cap avec de maigres moyens
Concernant l’entretien sur le plan alimentaire des animaux et des oiseaux, le DG Mamane réfute catégoriquement la rumeur selon laquelle ils sont en train de mourir de faim. ‘’On peut dire qu’il n’y a plus beaucoup d’animaux au musée, mais je m’inscris en faux contre ce qui se raconte. Rien que pour les hippopotames et les bœufs, l’entretien mensuel nous coûte plus de 2 millions de francs ; pour les deux lions, nous abattons quotidiennement 2 ânes à 80.000 francs l’unité, sans compter le contrat avec l’abattoir frigorifique de Niamey’’, indique-t-il. A ce ravitaillement viennent s’ajouter les cadavres d’animaux acheminés au musée à partir des marchés de bétail de la capitale. ‘’Nous faisons tout ça sur la base de la maigre allocation budgétaire annuelle allouée par l’Etat au musée et sur nos recettes propres. La mort des animaux n’est donc pas liée à un manque de nourriture, c’est naturel’’. Comme pour montrer la modicité de la subvention au regard de l’ampleur des charges, Mamane donne un exemple : ‘’Par exemple sur le budget 2022, c’est une allocation de 355 millions de francs qui a été concédée au musée. Nous avons demandé 185 millions, soit environ la moitié du montant. Mais à ce jour, nous n’avons perçu que 90 millions de francs’’, dit-il. C’est avec cette modique subvention et les recettes générées par les prestations (vente des tickets, location de l’enceinte pour des manifestations, etc.) que le musée parvient, cahin-caha, à couvrir ses charges de fonctionnement. ‘’Les charges du musée sont importantes. Nous ne sommes aujourd’hui que 4 à être salariés de la Fonction publique sur les 56 agents que compte actuellement le musée. 36 sont payés sur l’allocation budgétaire qui nous permet aussi de régler les factures d’électricité, les contrats d’approvisionnement en nourriture, l’entretien des lieux, etc.’’, explique Mamane.
Un plan de relance dans le pipeline
Pour surmonter les difficultés, les responsables de l’institution ont dans le pipeline un plan de relance qu’ils comptent mettre en œuvre avec l’appui financier de la Primature qui s’est engagé à les accompagner. Selon le DG Mamane, le projet se chiffre à environ 380 millions de francs et vise à réhabiliter les infrastructures obsolètes du musée, aménager des espaces pour abriter certaines espèces à l’étroit comme les lions, mais aussi faire de nouvelles acquisitions. ‘’A travers ce projet, nous envisageons d’acquérir un couple de zèbres qui viendra de l’Afrique du Sud via Kano mais aussi de girafes pour ne citer que ces deux espèces’’, annonce-t-il. En ce qui concerne les girafes, à l’en croire, le processus d’acquisition souffre d’un déficit de volonté de collaboration des services de l’Environnement avec le musée national. ‘’Notre demande est en souffrance. Nous avons même déflaqué 7 millions sur notre subvention pour la capture, ici, à Kouré ; mais jusqu’à présent on ne parle pas le même langage avec les services de l’Environnement’’, déplore Haladou Mamane, souhaitant que l’Etat accorde plus d’attention au musée qui est une vitrine pour le pays. ‘’Il faut, par exemple, inscrire le musée parmi les sites à visiter à l’occasion de l’arrivée des présidents et autres hautes personnalités étrangers dans notre pays comme ça se faisait avant. Cela permettra de mieux valoriser notre joyaux commun’’, estime-t-il.