Le Premier ministre Ouhoumoudou Mahamadou a présidé, mardi 4 octobre 2022, un panel de haut niveau sur l’industrialisation de notre pays dans le domaine précisément de l’agro-alimentaire, qui a réuni des membres du gouvernement et des opérateurs économiques. A travers cette rencontre, qui intervient durant ce mois d’octobre dédié à la ‘’consommation locale au sein de l’espace UEMOA’’, il s’agit de poser le débat sur la problématique de l’industrialisation en lien avec la production agricole dans notre pays. L’intérêt majeur de cette rencontre d’échanges réside dans le fait qu’elle aura permis de passer au crible le potentiel agricole permettant de promouvoir l’industrialisation du pays mais aussi et surtout les contraintes et obstacles qui découragent les opérateurs économiques désirant investir dans le secteur. Lesquelles contraintes ont pour noms : coût exorbitant de l’énergie, forte pression fiscale, difficultés d’accès aux crédits bancaires, faible accompagnement des investisseurs par l’Etat à travers des mesures de facilitation d’importation et d’exportation, etc. Les opérateurs économiques présents à la rencontre n’ont pas manqué d’exposer dans les détails ces goulots d’étranglement qui les dissuadent à initier des projets de création d’unités industrielles. Pour sûr, tous ces obstacles énumérés sont avérés. ‘’Lorsqu’on crée une unité industrielle, c’est pour la rentabiliser et la faire prospérer dans la durée même dans un environnement concurrentiel très âpre. Comment cela est-il possible quand le coût de production du produit ne permet pas de concurrencer sur le marché local le même type de marchandise importée ?’’, interroge Hachimou Boubacar, économiste-planificateur, consultant indépendant. ‘’Le coût de l’énergie combiné à celui des matières premières et celui des charges fixes de fonctionnement auxquels viennent se greffer les impôts et taxes compromettent la viabilité sur la durée des unités industrielles dans notre pays. Car pour être viable dans un environnement concurrentiel, il faut parvenir à produire moins cher en veillant sur la qualité et vendre moins cher’’, déclare Boubacar.
Agir au lieu de discourir
Ce qui n’est pas le cas dans notre pays où les facteurs de production industrielle à moindre coût sont encore loin d’être réunis, selon lui. Il pense que c’est la principale raison pour laquelle peu d’opérateurs économiques s’intéressent au secteur industriel. Ces pesanteurs sont, du reste, connues du gouvernement qui se doit de créer un environnement favorable à l’éclosion et la promotion d’un secteur industriel dynamique dans notre pays si tant il est vrai qu’il tient à cela. La création et la viabilité des pôles agro-industriels projetée par le président Bazoum au niveau de chacune des 8 régions du pays en dépendent. Mais apparemment, ce n’est pas demain la veille qu’on assistera à l’allègement des obstacles. Si l’on s’en tient, en tout cas, à la synthèse des travaux du panel tiré par Ouhoumoudou Mahamadou, l’on a la nette l’impression qu’il s’est agi d’une rencontre pour juste blablater autour de la problématique. Celui-ci s’est plutôt évertué à donner des conseils aux opérateurs économiques qui aspirent investir dans l’industrie. Conseils du genre : ‘’ Il n’est pas donné à tout le monde d’être entrepreneur, c’est des qualités personnelles. La première des choses, c’est l’idée d’entreprendre, la deuxième c’est l’existence du marché. Quels sont les concurrents, quelles sont les opportunités ? Où est-ce que le produit sera écoulé ?, etc.’’. Ou encore : ‘’ Il faut absolument, au-delà de votre idée de projet, maîtriser le métier. Il n’y a rien de plus risqué que de s’engager dans un domaine où vous ne connaissez rien du métier pour être en mesure de financer les investissements que vous voulez réaliser’’. Entre nous, quel est l’opérateur économique –même analphabète- qui prendra le risque d’investir dans un secteur qu’il ne connaît sans prendre la précaution de s’entourer de personnes avisées pour l’aider à monter le projet à travers l’élaboration d’un plan d’investissement, une étude du marché, etc. ?
L’existant dans l’agonie
La seule remarque positive que nous avons retenue de sa synthèse, Ouhoumoudou a reconnu que toute industrie dans un pays a besoin d’accompagnement et de protection pour grandir et prospérer. ‘’L’industrie nécessite forcément une protection, il n’y a aucun pays au monde où l’industrie s’est développée sans protection. Il faut vous assurer que les mesures de protection permettent à votre industrie de décoller, particulièrement lorsque vous devrez faire face à une concurrence extérieure’’. Mais qui doit assurer cette protection ? N’est-ce pas à l’Etat qu’incombe cette mission mais non les promoteurs ? Est-ce le cas présentement ? La réponse est non ! Depuis l’avènement des renaissants au pouvoir, plusieurs unités industrielles locales ont mis la clé sous le paillasson du fait d’une part de la forte pression fiscale et d’autre part de la concurrence déloyale cautionnée tacitement par le gouvernement. A titre illustratif, l’on peut citer le cas de Braniger, l’unique brasserie de notre pays créée depuis 1967. Et dans une moindre mesure la Société de Transformation Alimentaire (STA) qui bat actuellement de l’aile, empêtrée dans une crise juridico-financière. Quand les quelques rares unités agro-industrielles même sont en train de disparaître une à une du fait du désintéressement de l’Etat, il est difficile de parvenir à convaincre les opérateurs économiques qu’ils doivent investir dans le secteur.