La volonté de renforcer l’efficacité des politiques budgétaires nationales a conduit les huit (8) Etats membres de l’UEMOA à adopter, en mars et juin 2009, six (6) nouvelles directives qui forment le nouveau cadre communautaire harmonisé de gestion des finances publiques. Celui-ci modifie en profondeur les systèmes budgétaire, comptable et de reporting des finances publiques. Au nombre de ces directives, on peut citer la directive n° 6/2009/CM/UEMOA portant loi organique relative aux lois de finances. C’est ainsi que le budget programme a introduit plusieurs innovations ayant trait à la régulation budgétaire, à la rénovation du contrôle budgétaire et à d’autres principes et notions tels que le principe de sincérité budgétaire, le responsable de programme comme acteur majeur, la déconcentration du pouvoir d’ordonnateur principal des dépenses. Mais l’efficacité attendue de la politique budgétaire pouvait-elle être atteinte au Niger avec la gestion de la section Charges communes ?
Le projet de budget général de l’État pour l’exercice 2023 est équilibré en recettes et en dépenses à un montant de 3.245,44 milliards de francs CFA contre 2.908,59 milliards de francs CFA en 2022, soit une de hausse de 11,58%. Dans ce projet de budget, les Charges communes (section 99) sont ressorties à un montant total de 1142. 519.961.335 francs CFA ainsi réparti : 698.653.145.290 francs au titre du programme Charges communes proprement dites et 443.866.816.045 francs au titre du programme Dette publique de l’Etat. Les Charges communes étaient autrefois une simple ligne budgétaire qui servait à prendre en charge les recrutements d’agents publics faits en cours d’année ou des agents de l’Etat revenus dans leurs ministères d’origine après un détachement ou une disponibilité le temps que leurs salaires soient régularisés (budgétisés). Elles sont devenues aujourd’hui une section qui a plusieurs lignes. Et ces Charges communes sont gérées par le seul Ministre des Finances alors même que le budget programme voudrait que le responsable d’un programme (Ministre sectoriel) en soit l’acteur majeur. Le Ministre des Finances étant l’ordonnateur de ces Charges communes, lui seul pouvait faire des engagements sur lesdites Charges qui sont un véritable fourre-tout. Autrement dit, une sorte de réserve de crédits pour tout achat que le Gouvernement jugera urgent. Les commandes de véhicules pour l’Administration, par exemple, peuvent être engagées sur ces fonds. Les commandes publiques pouvant ouvrir la voie à des pratiques corruptives, à toutes sortes de compromissions, les observateurs parlent de ces Charges communes comme d’un flou artistique. D’où l’opposition de certains économistes et de partenaires à cette rubrique, parce que le budget programme veut qu’on responsabilise les ministères sectoriels, qu’on met chacun devant ses responsabilités. Le cadre communautaire harmonisé de gestion des finances publiques recommande en effet une déconcentration de l’ordonnancement afin que chaque ministre soit l’ordonnateur principal de son budget. Mais avec ces Charges communes, un Ministère sectoriel peut voir une de ses lignes budgétaires être gérée par le Ministre des Finances. On ne saurait dès lors parler d’autonomie, d’indépendance budgétaire.
Le fait que ces Charges communes soient dans les seules mains du Ministre des Finances ne laisse pas une marge de manœuvre budgétaire aux ministères sectoriels. Cette pratique est fustigée. Si un Ministère quelconque a un besoin urgent de moyens roulants, ou toute autre urgence, il ne pourrait pas agir par lui-même, il est contraint de se tourner vers le Ministre des Finances qui va décider de la commande : appel d’offres souvent contestables, entente directe douteuse, choix du prestataire, etc. Une véritable porte ouverte à toutes les compromissions. Le Ministre sectoriel, auteur de la commande, qui est ordonnateur du budget de son département ministériel, n’a donc pas de marge de manœuvre, une partie de son budget se trouvant géré par le seul Ministre des Finances. Le paradoxe, c’est que toutes les sections, c’est-à-dire les institutions de la République de la République et les Ministères, sont soumis aux discussions budgétaires, en y soumettant leurs projets de budget. Mais, curieusement, la section charges communes, elle, ne passe pas en discussion budgétaire, or elle fait partie intégrante du budget. Du coup, on ignore tout de son contenu. Un contenu qui pouvait cependant être connu des députés à l’occasion de la session budgétaire.