Comme vous le savez, un raid de l’armée nigérienne sur le site d’orpaillage de Tamou (département de Say, région de Tillabéri), le lundi 24 octobre 2022, a fait officiellement 7 morts et 24 blessés. Pour le Gouvernement, il s’agissait d’une opération anti-djihadiste qui fait suite à une attaque qui avait eu lieu le matin même. Mais de nombreuses zones d’ombre entouraient ce raid. Pour des témoins et des organisations de la société civile qui se sont rendus sur les lieux, il s’agirait plutôt d’une ‘’ bavure’’, les victimes étant de pauvres orpailleurs. Devant les vives polémiques suscitées par ces événements de Tamou, la Commission nationale des droits humains (CNDH), fort de sa mission de veiller à la promotion et à la protection des droits humains et de sa prérogative de diligenter des enquêtes sur les cas de violations de ces droits, a décidé, le 03 novembre, de faire toute la lumière sur ces dits événements. L’enquête indépendante et impartiale ouverte à cet effet a duré du 21 au 30 novembre 2022, sous la direction du Rapporteur général adjoint de la CNDH. La mission d’enquête comprenait neuf (9) autres agents de la CNDH, des OPJ de gendarmerie, des éléments des Sapeurs-pompiers, un médecin légiste et son équipe, et la police scientifique. Le rapport de cette mission d’investigation, de vérification et d’établissement des faits a été présenté aux plus hautes autorités du pays. Et c’est pour partager les conclusions de cette enquête avec l’opinion publique nationale et internationale que le président de la CNDH a tenu une conférence de presse ce mardi 27 décembre 2022 à Niamey.
Nous vous proposons un large extrait de l’intervention de Maty El Hadj Moussa : « Dès le 27 octobre 2022, j’ai dépêché d’urgence sur place une mission conduite par le chef d’antenne de la CNDH de Tillabéri, qui a conclu à un lien direct entre l’attaque du poste de police de Tamou et la frappe aérienne qui a visé le dépôt d’armes situé non loin du site d’orpaillage… La mission d’investigation, de vérification et d’établissement des faits relatifs aux événements de Tamou est parvenue à la conclusion qu’il y a atteinte au droit à la vie, à l’intégrité physique et aux biens des citoyens victimes collatérales d’opérations militaires menées contre des terroristes non loin du site d’orpaillage et suivies de ratissage au sol à l’issue duquel vingt-cinq (25) blessés ont été enregistrés et environ 500 orpailleurs ont été rassemblés pour les besoins de renseignements militaires. Le bilan de l’attaque terroriste du poste de police de Tamou dans la matinée du 24 octobre 2022 est de deux (2) policiers tués et un (1) blessé grave. Les frappes aériennes sur un dépôt d’armes des groupes terroristes, non loin du site d’orpaillage de Tamou, dans l’après-midi du 24 octobre, ont occasionné la mort de onze (11) personnes : six (6) de sexe masculin retrouvées sur le lieu des frappes, un blessé transporté au CSI de Tamou où il a rendu l’âme. Soit sept (7) morts enterrés au cimetière de Tamou avant l’arrivée de notre mission. Cette dernière a découvert deux (2) corps sans vie dans un puits suite à des descentes dans les galeries susceptibles de contenir des cadavres. Ces deux corps ont été enterrés par la mission en présence du représentant du maire de Tamou et des FDS de la localité. Ce qui porte le nombre de personnes enterrées à neuf (9). L’autopsie et l’expertise médico-légale ont révélé que ces victimes sont mortes d’asphyxie.
Lors de son passage à l’Hôpital national de Niamey, la mission a obtenu la liste des vingt-cinq (25) blessés admis par l’établissement. Il a été enregistré le décès du nommé Hama Hamidou, 28 ans, le jour même de leur admission, le 25 octobre, et celui de Ali Oumarou, 43 ans, le 31 octobre. Ces victimes décédées sont celles qui nous avait été signalées par le M62. Ces deux morts portent le nombre de décès à onze (11). Il faut noter qu’au passage de la mission à l’hôpital, tous les blessés restants (23) ont quitté l’établissement sanitaire après avoir été soignés. L’enquête révèle que les blessés l’ont été par balles lors de l’opération de ratissage au sol menée par des éléments du GARSI de Tamou. »
A l’issue de cette mission d’investigation, la CNDH a adressé des recommandations à l’Etat (renforcer le dispositif sécuritaire de Tamou, poursuivre la sensibilisation de la population sur les questions sécuritaires, poursuivre les investigations pour identifier les morts pour une éventuelle indemnisation de leurs familles et de celles des FDS, prendre en charge les soins de santé des blessés et de procéder à l’indemnisation de ceux qui ne sont pas des terroristes, renforcer l’équipe médicale de Tamou, étudier la possibilité de formaliser l’exploitation du site d’orpaillage de Tamou et des autres sites informels du pays afin de réduire le chômage des jeunes et de booster les économies locales), aux FDS (poursuivre les activités civilo-militaires pour une meilleure collaboration des populations civiles, faire preuve de professionnalisme dans l’exécution des missions dans le respect strict des droits humains et du protocole militaire) et à la population (de collaborer davantage avec les FDS pour une meilleure contribution dans la lutte contre l’insécurité, de saisir la CNDH en cas de besoin pour une assistance en matière de procédure de dédommagement).
Le président de la CNDH a annoncé que lors de la remise du rapport d’enquête au président de la République, le 22 décembre, celui-ci a décidé de faire dédommager par l’Etat les ayants droit des victimes et les blessés non terroristes. Les personnes concernées sont donc invitées à prendre attache avec la CNDH.