Le procès de la tentative de coup d’État intervenue dans la nuit du 30 au 31 mars 2021 se poursuit activement devant le tribunal militaire de Niamey avec l’examen des faits de complot, d’attentat contre la sûreté de l’État et de coups et blessures volontaires avec arme. Le tribunal confronte ces jours-ci les éléments de la Compagnie des fusiliers de l’air (CFA) qui ont attaqué le palais présidentiel et occupé le tarmac de la base aérienne 101 de Niamey aux fins d’empêcher tout atterrissage ou décollage d’aéronef.
Le capitaine Gourouza trahi ?
Dans notre parution du mardi 31 janvier 2023, nous vous avions rapporté le déroulement de l’attaque du palais présidentiel conduite par le lieutenant Morou Abdourahamane et le capitaine Sani Saley Gourouza, accompagnés par des éléments de la CFA. Il a été dit aux soldats qu’il s’agissait d’une mission de sécurisation dans la ville de Niamey en lien avec la cérémonie d’investiture du président nouvellement élu à la tête du pays et qu’ils seront rejoints par des éléments d’autres unités (Dosso, Tillabéri, compagnie parachutiste, Almahaw). Mais sur le terrain, Gourouza et ses hommes se retrouvent seuls, dépourvus de tout soutien. Cela explique-t-il la rapidité avec laquelle ils ont décroché ? Où étaient les unités attendues ? Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Gourouza avait-il été alerté de l’indisponibilité des renforts annoncés ?
Mission de sécurisation
En dehors de Gourouza, de Morou et de trois sous-officiers, tous les vingt-trois (23) éléments de la CFA mobilisés dans le cadre de cette tentative de coup d’Etat ignoraient tout de ce qui se tramait. Ils croyaient bien à une mission de sécurisation dans la ville de Niamey. « Nous croyons en Gourouza, nous lui faisons totalement confiance. C’est un chef bon vis-à-vis de ses éléments. Nous n’avons aucune raison de douter de ses paroles », a déclaré l’accusé Mahamadou Ousmane à la barre ce mardi 31 janvier. C’est une fois sur le terrain, après les premiers tirs, que les soldats se sont rendus compte de ce qui leur arrivait. « On nous a ordonné de tirer, et nous avons tiré. Les ordres, ce sont les ordres », ont souligné la plupart des accusés jusque-là interrogés. Mais le président du tribunal, un magistrat professionnel, ne partage pas cette lecture des choses. Il invoque alors l’article 15 de la Constitution qui dit : « Nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal ». Mais les accusés préfèrent s’arcbouter au code de discipline militaire dont l’article premier dit : « L’esprit de discipline fait la force principale des armées dont il est un des éléments essentiels. Il se traduit par une obéissance totale et une soumission permanente des subordonnés à l’égard de leurs supérieurs. Il importe également que tout ordre soit exécuté sur le champ, strictement et sans discussion. L’autorité qui le donne en est responsable et le subordonné ne peut présenter de réclamation que lorsqu’il aura obéi ». Ce code de discipline militaire date de 1994 et était en vigueur jusqu’au 29 juillet 2022, date à laquelle il a subi une modification. C’est ainsi qu’il est ajouté à cet article premier deux alinéas. L’un dit : « Cependant, il ne peut lui être ordonné et il ne peut accomplir des actes qui sont contraires aux lois, aux coutumes de la guerre et aux conventions internationales ». Le second alinéa est ainsi libellé : « La responsabilité propre du subordonné ne dégage ses supérieurs d’aucune de leurs responsabilités ». Ces deux alinéas, le ministère public les a cités comme un complément de l’article premier. Mais les avocats feront observer au tribunal que lesdits alinéas ont été ajoutés en 2022 et ne sauraient dès lors être appliqués à leurs clients, les faits pour lesquels ils sont poursuivis étant intervenus en 2021. Ce que le tribunal semblait bien avoir compris. Affaire à suivre…