Le dernier rapport de la Cour des comptes continue de susciter l’indignation des citoyens. C’est l’occasion de poser le débat quant à la nécessité de reformer cette institution afin que la responsabilité des ministres et de tous ceux qui décident de l’affectation de l’argent public puisse être directement engagée en cas de manquement et sanctionnée.
Flou artistique
Entre autres entités épinglées par les ‘’magistrats financiers’’ dans leur dernier rapport, se trouve la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI). La Cour des comptes parle notamment de ‘’Non tenue de la comptabilité budgétaire et défaut de traçabilité des opérations’’. On y lit : « Il y a lieu également de relever qu’en application d’un contrat de partenariat entre la CENI et la société Niger Poste pour le paiement des agents d’enrôlement signé en 2019, ladite société a effectué des paiements d’un montant total de 8,842 milliards de francs CFA. Les pièces justificatives de ces paiements ne sont pas disponibles à la CENI au moment du contrôle ». Il est clair que si la Cour des comptes disposait de mécanismes de contrôle en amont, un tel flou artistique n’aurait pas existé dans la comptabilité de la CENI. C’est peu de le dire, les irrégularités sont légion dans la gestion des deniers publics. Tout comme l’insincérité est évidente dans les déclarations des biens transmis par le personnel politique et autres fonctionnaires de l’État. Le contrôle des déclarations des biens a pour objectif principal de ‘’suivre l’évolution du patrimoine des assujettis aux fins de prévention de la corruption et de l’enrichissement illicite, étant entendu qu’en cas de présomptions graves et concordantes de commission d’une infraction pénale, le Parquet Général près la Cour saisit les autorités judiciaires compétentes pour suite à donner’’. Dans les faits, rien ne se passe comme prévu par les textes de la République. Dès lors se pose le débat sur la nécessité de reformer la Cour des comptes afin d’en faire un véritable rempart contre la dilapidation des deniers publics.
Une “maison des citoyens”
Dans tous les pays où elle existe, la Cour des comptes a pour mission principale de s’assurer du bon emploi de l’argent public et d’en informer les citoyens. Ailleurs, des changements sont opérés pour rendre cette institution nettement plus performante dans l’atteinte de ses objectifs. « Il faut en faire une maison des citoyens », a dit Pierre Moscovici, le premier président de la Cour des comptes de France. Au pays de Molière, désormais, il est offert à tout citoyen de signaler à la Cour des irrégularités ou des dysfonctionnements constatés dans la gestion publique par le biais d’une ‘’plateforme de signalement’’ opérationnelle depuis le 6 septembre 2022. Ainsi, les usagers des services publics, les agents publics et les associations citoyennes confrontés à une potentielle irrégularité financière auront la possibilité de la signaler de manière simple et sécurisée, en se rendant sur le site de la Cour des comptes. Qu’il s’agisse de la gestion des marchés publics, de conflits d’intérêt ou de fautes graves de gestion, tout fait signalé comme étant irrégulier pourra faire l’objet d’un contrôle après instruction, si les juridictions financières le décident en toute indépendance et confidentialité. Pourquoi ne pas appliquer ce modèle dans notre pays ? Le Niger a tant besoin de ‘’saine gestion’’ à tous les niveaux, singulièrement en ce qui concerne les deniers publics. Mais il est illusoire de penser que les politiques vont se décider à changer un ‘’système’’ qui les arrange tous. La Cour des comptes, telle qu’elle est actuellement (réduite à faire des constations et à formuler des ‘’recommandations’’ souvent stériles), fait les affaires des gouvernants, des hauts fonctionnaires… En clair, sa réforme n’est pas pour demain.
La Rédaction