Recevoir en audience au palais présidentiel une délégation des rebelles de l’UFPR, c’est accorder de l’importance à un ‘’groupuscule politique’’ sans aucune capacité de troubler le sommeil des populations. Pour Dr. Souley Adji, la place de ces jeunes gens ‘’égarés’’ est tout simplement la prison.
L’Enquêteur : L’audience accordée par le président Bazoum Mohamed vendredi dernier à une délégation de rebelles de l’UFPR n’a pas manqué de susciter des réactions au sein de l’opinion du fait de son caractère insolite. Elle s’est déroulée à huis-clos, pour une rencontre visant la recherche de la paix. Quel commentaire cette audience insolite vous inspire-t-elle ?
Dr. Souley Adji : Le Niger négocie-t-il avec les terroristes, ayant pris les armes contre la République ? Manifestement oui, puisque le PR a bel et bien rencontré une délégation de ce groupuscule politique qui a pris le maquis en 2020. Au lieu d’être cueillis par les FDS, qu’ils ont sans doute eu à combattre, ces ennemis de la République se sont retrouvés dans les draps soyeux d’un hôtel de luxe de la place, puis au palais présidentiel. Voilà le type de traitement que le gouvernement réserve à ces miliciens armés laïcs, car seule l’idéologie les distingue des djihadistes. Il est à craindre qu’il n’inspire d’autres citoyens à suivre l’exemple de ces jeunes gens égarés, mais aujourd’hui désireux de fuir le violent vent de sable saharien pour la fraîcheur raffinée des climatiseurs urbains.
Le lendemain de l’audience, les leaders du mouvement rebelle, qui se revendique ‘’politico-militaire’’, ont animé une conférence de presse pour annoncer leur décision de déposer les armes sans condition, qu’ils ne s’attendent nullement à des postes politiques, c’est juste pour aider la République dans son combat pour la restauration de la paix. C’est argument est-il convaincant à vos yeux ?
En 2020, à l’occasion de la création de ce front, Mahmoud Sallah, le président, disait que du fait du déficit de la gouvernance du Président Issoufou Mahamadou, le Niger allait être “la risée des médias nationaux et internationaux”. Il ajoutait qu’il allait imposer son dauphin, Bazoum Mohamed, non pour le bien-être de la République, mais bien pour assurer ces arrières. Trois ans plus tard, voici l’ancien militant de Lumana et acteur civique intermittent, devenu lui aussi la risée desdits médias ! Le voilà qui n’a pas craint de rencontrer ce bras droit imposé pour la protection de l’ancien Président ! Très naïf politiquement, il croit que les Nigériens sont assez naïfs comme lui pour croire à ses palinodies et surtout à son patriotisme subit, l’ayant emmené à déposer les armes, sans donc contrepartie aucune. Tout benêt, il clame avoir déposé les armes sans condition aucune ! Aucun dirigeant sérieux de front ne tiendrait un tel discours, car, seule la dépression ou l’inconscience l’aurait alors poussé à prendre les armes contre la République ! Aucune mention de l’amélioration ou de la satisfaction de certaines de leurs doléances, aucune appréciation de la qualité de la gouvernance et plus largement des raisons qui ont conduit ces jeunes désœuvrés à prôner la violence armée ! Il y a donc forcément anguille sous roche ! Et rien que pour avoir pris les armes sans raisons explicites et explicitées, leur place est à la prison, ne serait-ce que pour dissuader d’autres jeunes égarés !
En vérité, la vie du combattant rebelle n’est pas une partie de plaisir : traqués à chaque instant, vivant constamment dans la psychose d’une arrestation ou d’un tir de fusil, les prétendus jeunes révolutionnaires auraient tout à perdre, sans goûter aux délices de la vie urbaine. N’est pas révolutionnaire qui veut ! Mahmoud Sallah et ses compères n’étaient donc pas prêts à endurer les dures conditions de la vie d’apatride, errant dans les sables chauds du désert. Ce serait donc cette impossibilité de continuer à consentir des sacrifices immenses, sans perspectives heureuses aucunes, qui a fini par les contraindre à mettre fin à leur aventure sans lendemain. Avant eux, bien d’autres s’y sont essayés et ont fini par abdiquer lâchement.
En cela, comme d’autres avant eux, Mahmoud Sallah et ses partisans avaient espéré jouir des bienfaits de l’État, accéder à la fortune et finalement à la belle vie. N’est-ce pas là le traitement reçu par certains membres de la rébellion dite “touarègue” et qui préconisaient la lutte armée jusqu’à l’instauration d’un État fédéral voire d’une sécession au Niger ? La ficelle est donc trop grosse pour ne pas croire que tout ce manège n’a pour motivation, non “le retour de la paix et de la quiétude au Niger”, mais bel et bien l’attrait des prébendes étatiques. Il n’y a donc rien d’honorable dans cette posture, mue par des intérêts bassement matériels. D’autant plus que ce front peine à troubler le sommeil des citoyens, qu’il n’arrive pas à s’élargir et que les pressions des FDS se font de plus en plus fortes.
Le fait que le président Bazoum ait accordé un crédit au point de recevoir même ses leaders en audience à un mouvement rebelle qui s’auto-dissout sans même faire connaître ses revendications n’est-il pas une porte ouverte pour l’apparition éventuelle d’autres factions dissidentes de ce genre ?
D’éventuelles dissidences pourraient apparaître s’il s’agissait réellement d’un véritable front armé, ayant les moyens de son combat et suscitant la priorité du gouvernement. Tel n’est pas le cas de ce groupuscule en voie de dégénérescence !
Propos recueillis par I. Seyni