Niamey a célébré ce vendredi 19 mai la remise du prix Mo Ibrahim décerné à Mahamadou Issoufou. Tenue dans la salle de conférence Mahatma Gandhi, la cérémonie a permis au président de la République, Mohamed Bazoum, d’exprimer ses sentiments face aux spéculations constantes sur l’état de sa relation avec son mentor. Mais quel crédit apporter à ces propos de Bazoum ? A leur sincérité ?
Bazoum, avec un ton presque moqueur, a déclaré : “Je lis avec amusement les nombreuses théories développées par tous ceux qui ont fait de notre relation actuelle, vous et moi, une spécialité et qui jouent aux Cassandres. Je voudrais leur dire une fois encore qu’ils en seront pour leurs frais et que, tel Drogo du roman ‘Le désert des Tartares’ de Dino Buzzati, ils s’épuiseront à scruter l’horizon et à attendre en vain”. Cette déclaration, en apparence innocente, pourrait cacher une réalité plus complexe. Il est vrai que la solidarité manifestée entre ces deux figures politiques pourrait être perçue comme inébranlable. Pourtant, la dynamique de leur relation semble avoir changé depuis l’accession de Bazoum à la magistrature suprême. L’entente ‘’cordiale’’ basée sur la défense mutuelle de leurs intérêts se fissure et n’est plus évidente. Des tensions existent, leurs intérêts divergent désormais, rendant leur alliance antinomique. Et dans ce cas, il faudrait nécessairement qu’une partie accepte de subir au détriment de l’autre pour que la relation perdure. Mais pour combien de temps encore ?
La question cruciale n’est donc pas de savoir si une rupture est inévitable entre Bazoum et Issoufou, mais plutôt quand et dans quelle circonstance cela se produira et quelle sera son ampleur. Les désaccords et les ambitions politiques peuvent facilement conduire à des ruptures, même entre de plus proches alliés. L’histoire politique est parsemée d’exemples d’amis qui ont œuvré ensemble pour atteindre le sommet du pouvoir et se retrouver ensuite dans une guerre fratricide suite à des différences d’opinion sur la gestion et la conservation du pouvoir. Des alliances jadis indestructibles se sont effondrées, conduisant à des conflits politiques majeurs. Et le Niger n’est pas à l’abri d’une telle crise. La possibilité d’une rupture entre ces deux leaders du PNDS-Tarayya n’est donc pas à exclure. Les paroles de Bazoum tendant à minimiser et à dissimuler les désaccords entre Issoufou et lui ne sont qu’une tentative de maintenir le statu quo, mais le temps est le seul juge ultime en politique. Et l’avenir entre les deux hommes reste incertain.