Dans son discours d’investiture, le 02 avril 2021, le président Mohamed Bazoum s’est beaucoup intéressé à l’école nigérienne. Il avait très bien diagnostiqué les différents maux dont souffrait notre système éducatif et il avait promis de faire de l’éducation un domaine dont il s’occuperait personnellement. L’on avait alors cru qu’avec lui tous les problèmes de l’école seraient résolus. Mais après deux années de ‘’Renaissance acte 3’’, le constat reste amer. Bazoum s’en est rendu compte à l’issue d’une rencontre privée avec les techniciens de l’Education nationale, sans le Ministre et le Secrétaire général de ce département ministériel.
L’éducation, la priorité des priorités
Pour le président Mohamed Bazoum, le plus grand défi du Niger réside dans les faiblesses de son système éducatif. Selon le macro économiste Nouhou Insa, l’école nigérienne fait face à des défis qui concernent tout l’édifice scolaire : infrastructures, qualité de l’enseignement dispensé, niveau des élèves, etc., le tout sur fond de sous-financement chronique. « Si je considère le défi de l’éducation comme notre plus grand défi, c’est parce que je sais que le faible taux de scolarité et le taux élevé des échecs scolaires ont pour effet de priver des contingents très nombreux d’enfants et de jeunes de réelle chance d’éducation. Ma conviction intime est que notre pays a devant lui un bel avenir, pourvu que nous soyons en mesure d’apporter les bonnes réponses à ses défis. Pour cela, nous avons besoin prioritairement de faire deux choses : promouvoir une bonne gouvernance et repenser radicalement notre système éducatif… », a déclaré le chef de l’Etat ce 02 avril 2021. Quelques semaines plus tard, le 30 avril, lors de sa rencontre avec les Partenaires techniques et financiers et les Partenaires sociaux pour leur présenter sa Politique éducative, Mohamed Bazoum a rappelé que l’éducation fait partie de ses priorités. « J’entends veiller personnellement à ce que le secteur de l’éducation soit au centre de toutes les actions du Gouvernement, qu’il soit le pivot de ce que je considère être la consolidation et le progrès de notre politique pendant ce quinquennat », avait-il déclaré. Pour ce faire, il a promis d’injecter 22% du budget national dans le secteur de l’éducation, et ce, à partir de 2022.
Des réformes engagées
Pour concrétiser les ambitions du président Bazoum, des réformes sont rapidement engagées : évaluation de la réforme curriculaire ; critères d’affectation des enseignants ; nouveaux modèles de construction pour remplacer les classes paillotes ; modèle harmonisé en matière d’éducation accélérée, ou « classe passerelle » ; audit organisationnel et pédagogique de l’Ecole normale supérieure et des Ecoles normales d’instituteurs ; enquête sur les perceptions et attentes éducatives ; révision des protocoles statistiques de l’éducation ; manuel de suivi-évaluation du secteur, etc. Autant d’outils essentiels pour améliorer la qualité, l’environnement et l’inclusion du système éducatif nigérien. Mais rien de tout cela n’est en vue.
Bazoum très déçu
Le président Mohamed Bazoum avait-il l’impression que le chantier de l’école n’avançait pas comme il le souhaitait ? Lui cachait-on la vérité sur toutes les réformes engagées ? Avait-il mal choisi les hommes chargés de l’accompagner dans l’édification d’une nouvelle école nigérienne ? Pour en avoir le cœur net, le chef de l’Etat a rencontré il y a quelques jours des techniciens du Ministère de l’Education nationale. Précision de taille, le Ministre et son Secrétaire général ont été tenus en dehors de cette rencontre. Ces deux premiers responsables ne seraient-ils pas à couteaux tirés sur la gestion de leur département ministériel ? Mohamed Bazoum et ses vis-à-vis, dans un langage franc, de vérité, ont échangé sur les maux qui grippent la réforme du système éducatif. De l’avis des interlocuteurs du chef de l’Etat, les réformes nécessaires pour surmonter les obstacles multiples et multiformes auxquels est confronté le système éducatif ne sont pas mises en œuvre ou le sont très mal. La carte scolaire du primaire et du secondaire, par exemple, n’est pas utilisée à bon escient pour qu’elle permette de cibler au mieux les nouvelles constructions, les établissements à compléter, les classes paillotes à remplacer en priorité et permettre que plus aucune école ne soit construite sans latrine et sans eau. Par ailleurs, les affectations des enseignants ne se font pas en toute transparence, selon le respect strict des critères établis. Pour cause, les réorganisations initiées au sein des Ministères en charge du secteur éducatif n’ont pas mis les personnes adéquates dans les fonctions nécessaires et indiquées. Pour les techniciens consultés, avec un pilotage optimal, on peut avoir des résultats satisfaisants en maintenant un financement réaliste et équitable.
Bazoum va-t-il changer de fusil d’épaule ?
Il ressort de la rencontre entre le président Mohamed Bazoum et ses interlocuteurs que le bilan dressé dans le secteur éducatif dans le cadre des deux (2) ans de mise en œuvre du programme de « Renaissance acte 3 » ne reflète pas la réalité. Le chef de l’Etat aurait-il été induit en erreur en lui faisant croire que le secteur éducatif est en très bonne marche ? Bazoum serait sorti déçu de cette rencontre. Va-t-il alors continuer à s’accommoder de responsables qui peinent à concrétiser ses ambitions pour l’école nigérienne ? Va-t-il se ressaisir et faire preuve désormais de rigueur en choisissant des hommes capables, sur la base de leur compétence technique avérée et de leur moralité ?