Réponse du berger à la bergère. Le Mouvement M62 n’a pas tardé à réagir aux accusations formulées par le président Bazoum Mohamed à l’encontre de son coordonnateur dans la récente interview qu’il a accordée à Jeune Afrique.
Comme on le sait, le journaliste de Jeune Afrique, qui croit qu’il existe au sein de la société civile nigérienne ‘’une fraction politisée représentée par le M62’’ a voulu en savoir sur la cause des rapports conflictuels entre Bazoum et ledit mouvement dont le coordonnateur, Abdoulaye Seydou, a été condamné le 23 janvier 2023 à l’issue d’un procès à 9 mois d’emprisonnement ferme dans l’affaire dite Tamou.
Répondant à la question, Bazoum a déclaré : ‘’Nos rapports auraient pu être normaux. Mais ce sont les déclarations irresponsables de son coordonnateur, à la suite d’un incident survenu sur un site d’orpaillage près de Tamou, en octobre dernier, qui ont posé problème’’.
Nous faisons, ici, l’économie des détails fournis par Bazoum sur le déroulement de l’intervention militaire et ce qui l’a motivée, pour nous contenter juste de parler des griefs présumés reprochés à Abdoulaye Seydou.
‘’Le M62 a alors communiqué sur le fait que la localité de Tamou, située totalement à l’écart du site, aurait été la cible de raids aériens et terrestres massifs qui auraient fait des centaines de victimes en ajoutant, à titre de pseudo-preuves postées sur les réseaux sociaux, des photos de massacres prises en Centrafrique et au Soudan du Sud. Lors de son procès, le coordonnateur a été incapable de citer le moindre témoin à l’appui de ses affabulations’’.
L’on constate à niveau déjà le recours au conditionnel par Bazoum pour expliquer ce qui est reproché au coordonnateur du M62. Comment peut-il recourir à ce temps en tant que président de la République s’il est réellement convaincu que ce qu’il dit à propos du coordonnateur du M62 est une certitude irréfutable ?
Le faux de bout en bout
Au regard de la fausseté des informations sur l’affaire fournies à Jeune Afrique par Bazoum, le M62 a évidemment posé la question de savoir ‘’qui a donné les fausses informations et dans quel intérêt ?’’, dans le point de presse qu’il a animé, mardi 30 mai 2023.
Car selon l’organisation, les affirmations de Bazoum sont totalement ‘’contraires à la réalité des faits’’. Le M62 n’a jamais dit que la localité de Tamou ‘’aurait été la cible des aériens et terrestres massifs’’ et quiconque a parcouru la déclaration publiée le 29 octobre 2022 par l’organisation sur les événements peut l’attester. Il est clairement mentionné dans ladite déclaration que ‘’l’intervention aérienne et les opérations terrestres de ratissage sont intervenues sur le site artisanal situé à l’Est de Tamou’’.
Pourquoi alors donner une autre version des faits qui n’a rien avoir avec ce qui est mentionné dans la déclaration ? Occasion pour le M62 de réfuter aussi la paternité ‘’des centaines de victimes’’ occasionnés par l’intervention militaire que lui a attribuée Bazoum.
‘’Il s’agit des dires des citoyens de certaines organisations de la société civile exprimés sur les réseaux sociaux que nous avons rapportés pour justifier la polémique autour du nombre de morts et des blessés mais aussi expliquer le bien-fondé de notre mission de terrain à Tamou’’, s’est défendu le coordonnateur par intérim du M62.
Par rapport aux pseudo-preuves postées sur les réseaux sociaux, des photos de massacres prises en Centrafrique et au Soudan du Sud citées par le président Bazoum, le Mouvement balaie également cette accusation d’un revers de main.
‘’Le M62 rappelle qu’il n’a publié aucune image pour illustrer les morts et/ou les blessés dans toutes ses publications relatives à l’affaire dite tuerie de Tamou’’, proteste-t-il. Bazoum aurait dû donner au moins le nom d’un site si ce qu’il a dit est vrai. Ce qui n’a pas été le cas et qui dénote d’une volonté de ternir simplement l’image de l’organisation à l’extérieur où elle n’est pas connue.
Une autre contrevérité flagrante avancée par Bazoum, c’est quand il dit que ‘’lors de son procès, le coordonnateur a été incapable de citer le moindre témoin à l’appui de ses affabulations’’.
Dans son point de presse, le M62 a cité nommément les 5 témoins d’Abdoulaye Seydou qui ont comparu lors du procès du 23 janvier 2023.
Une justice aux ordres
Comme on peut le constater à travers ces réponses apportées par le Mouvement aux allégations du président Bazoum Mohamed dans l’entretien accordé à Jeune Afrique, l’emprisonnement de son coordonnateur n’a rien à avoir avec les faits imaginaires qu’on lui reproche. Il dérange trop le régime, par ses déclarations sur les violations des droits humains ; il faut lui fermer la bouche en lui collant un procès pour le jeter en prison.
Le fait pour Bazoum de dire ‘’que nos rapports auraient pu être normaux [Ndlr : avec le M62]. Mais ce sont les déclarations irresponsables de son coordonnateur, à la suite d’un incident survenu sur le site d’orpaillage près de Tamou, en octobre dernier, qui ont posé problème’’, constitue, aux yeux du coordonnateur intérimaire de l’organisation, que c’est lui ‘’le responsable de sa détention arbitraire’’.
Le M62 est d’autant convaincu de cela qu’il a tenu à rappeler un fait concret, une menace proférée le 17 novembre 2022 à l’encontre du coordonnateur Abdoulaye Seydou par l’adjoint au Procureur du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey.
‘’Tu as fait, tu as dit, tu n’as pas dit, on va prendre tout ça te le coller au dos et te programmer un jour où on a nos juges et tu seras condamné. Il faut préparer ta natte pour Filingué. Tu passes tout ton temps à faire des déclarations et des marches pour embêter et vouloir déstabiliser notre régime’’, a rapporté le coordonnateur intérimaire du M62.
C’est un Procureur de la République qui a proféré la menace contre un simple citoyen, activiste des droits humains, parce qu’il dénonce les pratiques malsaines du régime, et la menace a été suivie d’effet.
Sommes-nous réellement dans un Etat de droit, quand un président de la République se met aussi dans la danse en cherchant à diaboliser l’acteur en question, racontant des contrevérités flagrantes contre ledit acteur civique dans un média étranger ? A méditer …