Les autorités nigériennes ont engagé ces dernières années une politique de régulation des secteurs stratégiques qui nécessitent l’intervention de l’Etat pour préserver ses intérêts et protéger ceux des consommateurs tout en leur assurant une meilleure offre de service. Ainsi des autorités de régulation ont été créées à tour de bras, surtout sous ce régime de la Renaissance. A l’épreuve des faits, le constat est plutôt décevant. Ces autorités de régulation ressemblent plutôt à des structures autonomes pour caser des militants politiques que de véritables instruments au service des consommateurs.
L’ARM, l’autorité de régulation mère
Au commencement était l’Autorité de Régulation Multisectorielle (ARM) créée au cours de la décennie 80 pour gérer la régulation des activités exercées sur le territoire national dans les secteurs, de l’eau, de l’énergie, de la poste, des télécommunications et des transports. La structure a su bien mener sa mission avec tact et dextérité à la grande satisfaction des consommateurs.
Le contexte politique prévalant à l’époque [le régime dit d’exception] y a beaucoup contribué car la nomination des cadres chargés de l’animation de la structure se faisait sur la base de critères de compétence et d’intégrité. Selon Issoufou Boubacar Kado Magagi, cadre du ministre des Finances à la retraite, consultant indépendant en finances publiques, que nous avions interrogé sur le sujet, ‘’la mise en place de l’ARM avait fait suite aux réformes économiques engagées en 1980, qui avaient abouti à faire une différence entre la fonction de définir des politiques des réglementations sectorielles relevant normalement des ministères sectoriels et la fonction de régulation assignée à l’ARM’’.
La structure avait essentiellement pour missions de suivre et de contrôler les obligations des parties, des tarifs, de la qualité de services, l’appui au développement des secteurs régulés, l’arbitrage des litiges, etc. Elle s’était acquittée honorablement de ce travail de suivi et de contrôle avec le souci du travail bien fait.
L’éclatement contreproductif
A partir de la décennie 2000, l’ARM a commencé à être éclatée pour donner lieu à la création de nouvelles entités sectorielles autonomes pour, dit-on, une meilleure régulation des secteurs concernés. Un processus qui s’est accéléré avec l’avènement du régime de la Renaissance, qui a porté le nombre d’autorités de régulations à six (6) aujourd’hui. Il s’agit de : l’ARCEP (Autorité de Régulation des communications électroniques et de la poste) ; l’ARCOP: (Autorité de Régulation de la Commande Publique) ; l’ARSEAu (Autorité de Régulation du Secteur de l’Eau) ; l’ARSE (Autorité de Régulation du Secteur de l’Energie) ; l’ARST (Autorité de Régulation du Secteur du Transport) ; et l’ARSEN (Autorité de Régulation et de la sûreté Nucléaire). ‘’Toutes ces autorités permettent, en principe général de droit, d’éviter des dérives, comme par exemple, des ententes entre concurrents dans un secteur commun bien donné pour fixer des prix au détriment des consommateurs’’, affirme Issoufou Kado. Tout comme elles doivent veiller à l’effectivité d’une bonne prestation de service par la structure chargée de sa délivrance. Mais dans les faits, est-ce à cela que nous assistons aujourd’hui ? Non ! Les consommateurs de plusieurs régions de notre pays dont Niamey sont confrontés depuis 48 heures à de délestages du fait d’une grave panne sur la ligne haute tension en provenance du Nigéria qui dessert notre pays. Cette panne engendre un préjudice énorme aux consommateurs, en termes de pertes économiques. Elle traduit éloquemment les difficultés auxquelles se trouve confronté le secteur de l’énergie et l’inefficience de l’éclatement de l’ARM initiale.
Malgré les centaines de milliards de francs que les Renaissants disent avoir injectés dans le secteur de l’énergie ces dernières années, si nous en sommes encore là, il y a véritablement lieu de s’interroger si cet argent a été réellement dépensé dans ledit secteur.
‘’Dans les secteurs de l’électricité, de l’eau, malgré la création des autorités chargées de la régulation dans ces secteurs, des problèmes de surveillance et d’une bonne régulation des prix persistent, les services sont toujours de mauvaise qualité et très coûteux’’, dénonce Issoufou Kado, s’interrogeant sur l’utilité ‘’de cette pléthore d’autorités de régulations multisectorielles budgétivores, si les résultats se font toujours attendre’’.
La situation n’est pas non plus reluisante dans le domaine des commandes publiques où l’ancien syndicaliste souligne les défaillances de l’autorité chargée de la régulation dans ce secteur relevées par la Cour des comptes.
‘’Du fait des ressources publiques très limitées de l’Etat, n’est-il pas possible de revenir à une structure unique, bien structurée, bien animée par des cadres recrutés sur la base des leurs compétences et d’un contrat par taux objectif à atteindre ?’’, interroge Issoufou Boubacar Kado Magagi’’.