Le géant français Veolia mène depuis plusieurs mois des discussions avec l’Etat nigérien concernant la poursuite de ses activités dans le pays. Le point focal des tractations : une demande de Niamey qui souhaite voir partir un groupe d’actionnaires privés de la société d’exploitation locale, représentés par l’homme d’affaires et opposant Omar Hamidou Tchiana. C’est une note interne consultée par Africa Intelligence qui permet de saisir la teneur des négociations entamées depuis plusieurs mois entre le groupe français Veolia et l’Etat nigérien. Les discussions portent sur le contrat décennal d’affermage de la distribution d’eau au Niger. Veolia l’opère via une joint-venture créée en 2000 : la Société d’exploitation des eaux du Niger (SEEN). Récemment repoussé en raison d’arriérés de paiement de l’Etat, son mandat était censé expirer au mois de mai 2022. Si le groupe dirigé par Estelle Brachlianoff détient 51 % de la SEEN, la part du Niger, plus modeste, s’élève à 5 %. Outre les salariés de l’entreprise (10 %), les 34 % restants du capital de la société appartiennent à un pool d’actionnaires privés, dont le gouvernement souhaite se séparer.
Un ancien ministre et opposant dans le viseur
L’un des deux administrateurs représentant leurs intérêts n’est autre qu’Omar Hamidou Tchiana, un des membres les plus influents de l’opposition. Ministre des mines puis des transports sous l’ancien président Mahamadou Issoufou (2011-2021), cet héritier de l’une des familles les plus fortunées du pays s’était présenté à la présidentielle de 2020-2021. Eliminé dès le premier tour, il avait alors rallié l’ex-président Mahamane Ousmane, avant que celui-ci ne soit finalement battu par l’actuel chef de l’Etat, Mohamed Bazoum. Elu entre-temps député, Tchiana a ensuite continué à s’opposer à Bazoum. Il a par exemple activement soutenu Ousmane dans ces efforts visant à faire invalider les résultats du second tour de la présidentielle auprès de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. L’ancien ministre s’est plus tard illustré comme l’un des plus véhéments pourfendeurs du gouvernement lors des événements de Téra en décembre 2021, reprochant à l’exécutif de refuser de faire la lumière sur les faits.
Deux options sur la table
Afin de renouveler leur contrat tout en évinçant les actionnaires privés de la SEEN, Veolia et les autorités nigériennes étudient actuellement deux approches. La première consiste à renouveler le contrat avec la même société. Une solution qui offre l’avantage d’éviter un ensemble de contraintes (modification entière des statuts, transfert d’actifs et de personnel, etc.), mais qui ne permettrait cependant ni à l’Etat ni à son partenaire français de remodeler le capital de la SEEN de manière unilatérale. L’exclusion des actionnaires privés ne serait alors possible qu’à la condition qu’ils consentent à vendre leurs parts. La seconde approche envisagée prévoit la conclusion d’un nouveau contrat, avec une nouvelle société d’exploitation. Bien qu’elle permette d’écarter définitivement les actionnaires privés – qui perdront leurs droits lors de l’expiration du premier contrat d’affermage -, une telle option, conformément à la loi de 2018 portant sur les partenariats public-privé (PPP), ouvrirait la voie à un appel d’offres international que Veolia pourrait perdre. Un obstacle que la note interne propose néanmoins de contourner au moyen d’une dérogation législative, qui autoriserait une négociation de gré à gré entre l’Etat nigérien et le géant français. Celle-ci pourrait notamment être obtenue à travers une loi évaluant la gestion hydraulique dans le pays et proposant une meilleure régulation du secteur. Un scénario qui semble à la portée du camp présidentiel, qui détient une importante majorité au sein de l’Assemblée nationale (127 des 171 députés lui sont acquis).