Le 3 août dernier, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) a dénoncé les accords de coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense conclus avec la France. Mais ce combat pour la souveraineté du Niger ne doit pas s’arrêter-là. Il devrait concerner aussi la convention fiscale de non-double imposition entre les deux pays.
Le 1er juin 1965, le Niger et la France ont signé une convention fiscale par laquelle les deux pays évitent toute double imposition. Autrement dit, les contribuables français et nigériens, qu’ils soient des personnes physiques ou des personnes morales, exerçant dans l’un des deux pays payent les impôts visés par cette convention dans le pays où se trouve leur résidence fiscale. Un avenant à cette convention a été signé le 16 février 1973 et porte sur les dividendes mis en paiement à compter de cette date. Mais cette convention est-elle profitable au Niger ? Selon un fiscaliste, « une entreprise créée en France peut venir exécuter un marché au Niger, mais elle ne payera pas ses impôts au Niger. Elle les paiera en France et vice-versa. Si un Français ou une entreprise française non domiciliée au Niger exécute un contrat de prestation de service au Niger, la retenue à la source applicable à la somme versée en rémunération de cette prestation n’est pas due au Niger. » Et notre fiscaliste d’ajouter : « Il n’y a pas d’entreprise nigérienne qui opère en France. Par contre, si vous consultez les marchés publics, vous pouvez facilement voir le nombre de sociétés françaises qui exécutent des marchés au Niger. Cette convention est beaucoup plus profitable à la partie française par le fait qu’il est rare que des entreprises nigériennes exécutent des contrats en France. Sans disposer de statistiques, je pense, à la lecture de la convention, que le Niger gagnerait énormément en dénonçant cette convention. »
Cette convention étant totalement déséquilibrée au détriment du Niger, le CNSP et le Gouvernement devraient demander une relecture de ses clauses ou sa dénonciation pure et simple. Les entreprises qui ont pour résidence fiscale la France ne paient pas à Niamey, par exemple, le précompte ISB dont le montant s’élève à 16% des montants des transactions effectuées au Niger. Les prestataires des filiales des groupes français ayant leur résidence fiscale dans l’Hexagone (Somaïr et Cominak pour Orano) payent, en fin d’année, l’impôt sur les sociétés en France. L’impôt que ces prestataires devaient payer au Niger est rétrocédé à la France. La représentation d’Air France qui faisait un chiffre d’affaires en termes de plusieurs centaines de millions de francs CFA ne paie pas d’impôt sur le bénéfice au Niger mais en France où elle a sa résidence fiscale. A la Direction Générale des Impôts (DGI), on estime que le manque à gagner pour le Niger dépasserait largement l’aide budgétaire accordée par la France.
Au Burkina Faso, le gouvernement a résilié, le 7 août 2023, la Convention fiscale de non- double imposition qui le liait à la France du fait des pertes fiscales pour le fisc burkinabè, estimées entre 40 et 50 milliards de francs CFA. Depuis ce 6 novembre, les entreprises françaises opérant sur le sol burkinabè devront obligatoirement payer leurs impôts à l’Etat du Burkina. Au Nigeria, le fisc réclame à Air France, 1,6 million de dollars au titre de l’impôt sur les sociétés. Mais la compagnie française se défend en invoquant une convention franco-nigériane signée il y a 30 ans et qui autorisait Air France à payer ses impôts uniquement en France.