Dans la mesure où la décision conjointe de retrait de la CEDEAO du Mali, du Burkina Faso et du Niger, ne peut prendre corps que dans un an, c’est-à-dire 365 jours, il est tentant d’imaginer que le divorce n’est pas encore prononcé, et que l’on se trouve dans une configuration d’un temps de probation, propice à la réflexion pour les deux camps concernés.
Du fait aussi qu’à travers les discours des têtes pensantes de l’organisation régionale transparait un désir de mettre le holà à ce qui leur a semblé être une brouille légère et passagère. Du dédain, on en arrive à la lucidité de relativiser sa toute-puissance à l’égard des rétifs. Mieux encore, certains anticipent toutes les conséquences qui peuvent découler du retrait et voient un véritable gouffre s’ouvrir sous leurs pieds. Certes, les pays membres récalcitrants vont en souffrir, mais pas autant que ceux qui restent emmurés dans une institution décrédibilisée et moribonde. Les textes donnent un délai de réflexion. Peut-on, ou doit-on, en profiter pour redresser la barre ?
Au plan sécuritaire
Dire que l’Extérieur, comprenez les Européens, en particulier et les Occidentaux en général vont rester bras ballants et renoncer à leurs entreprises de déstabilisation des trois pays de l’AES relève du rêve éveillé. Non seulement ils continueront grâce à un maillage préétabli des populations de ces pays, à susciter des coups d’Etats, généralement précédés par des turbulentes manifestations de rue, savamment orchestrées, tout en focalisant leurs efforts sur le maillon faible de cette Alliance (le Niger selon les uns, le Burkina Faso, selon les autres) pour le détacher de l’ensemble et ainsi endiguer la contamination. Cette dynamique ne connaîtra pas de répit. Du reste, il faut renforcer les moyens des sbires camouflés en djihadistes afin qu’ils continuent de harceler les troupes gouvernementales et par des tueries sauvages, installer la peur au ventre des populations et provoquer ainsi leur recroquevillement sur eux-mêmes. Le but visé étant de délaisser le soutien inconditionnel aux hommes en uniforme. Tant que ces deux vecteurs perdureront, le général de brigade Abdourahamane Tiani et ses camarades n’auront pas d’oreilles pour se préoccuper, en priorité, d’un éventuel retour à la normalité constitutionnelle.
Au plan socio-politique
Aucune révolution au monde, depuis celle de 1789 en France, à celle d’octobre 1917 en Russie, en passant par la Longue Marche de Mao, ou encore, la Sierra Maestra de Fidel Castro, aucune révolution, disons-nous, n’a pu s’établir et prospérer, sans cocher la case du totalitarisme, plus ou moins, acceptable. Autrement dit, un terrorisme intellectuel rampant, qui laisse une marge étroite à la liberté d’expression et aux activités des partis politiques. Révolution rime avec dictature des révolutionnaires et de leurs séides. Mais, quand dans un espace donné, il existe des partis politiques très représentatifs, et fortement implantés, les tenants du pouvoir n’ont que deux choix : ou les interdire, ou les caporaliser, c’est-à-dire, les instrumentaliser. Les formations politiques ainsi traitées se muent en porte-voix, bien dociles, des nouvelles autorités qui leur consentent une petite parcelle du pouvoir. Tôt ou tard, il faudra que les urnes départagent ceux qui aspirent à gouverner. Que ce soit les militaires, eux-mêmes, qui se présentent, pour ce faire, ou un faire-valoir, pour surveiller leurs arrières, de toutes les façons, il faudra donner la parole aux partis politiques, fussent-ils, dûment sélectionnés. Pour le moment, ils sont tous en embuscade, guettant un faux pas des militaires au pouvoir, ou des appels du pied à venir pour soutenir leur agenda.
Certains partis politiques se laisseront tentés, d’autres opteront, pour un bras de fer, dont la rue serait l’arbitre suprême. A Bamako, Ouagadougou et Niamey, les organisations politiques n’étaient pas aux avant-postes, mais dans les coulisses et aux endroits névralgiques. Ils ont une force de frappe indéniable. Encore faudrait-il qu’ils soient en posture de pouvoir en user. Si l’on admet qu’un processus révolutionnaire est en cours, on en déduit qu’un pouvoir totalitaire tient les rênes, et par conséquent, fera jouer, toute forme d’arbitraire qui lui conviendra, notamment, l’interdiction formelle et constante de manifester, entre autres.
Il est souhaitable de ne pas en arriver là, parce que, ce serait pousser la classe politique à des extrémités dont le pays n’a nul besoin. Dans l’intérêt du plus grand nombre, le Peuple, il convient d’accorder les violons entre militaires et civils, chacun dans son rôle. Même si, étant donné les circonstances, la prééminence revient au binôme chapeauté par les militaires ayant en charge la sécurité et la pose des nouvelles fondations.
En clair, les civils n’ont pas à courtiser les militaires. C’est l’inverse qui sied. Induction ? Plus vite on donnera la parole aux partis politiques et plus vite on connaîtra ce qu’ils ont dans le ventre ou au fond du cœur, et plus vite, on renforcera la cohésion nationale autour d’idéaux partagés.