Comme vous le savez, à la suite du coup d’Etat du CNSP du 26 juillet 2023, la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UEMOA, jouant le relais de certaines officines occidentales, s’est précipitée pour prendre une série de sanctions économiques et financières contre le Niger d’application immédiate. Des sanctions décrites par le général Abdourahamane Tiani comme « illégales, injustes et inhumaines », et ce, à juste titre, l’organisations sous régionale ayant outrepassé ses prérogatives.
Devant une telle situation, l’Etat du Niger et sept autres entités (NIGELEC, Chambre de commerce et d’industrie, CNUT, Conseil national de l’Ordre des pharmacies, la Chambre d’agriculture, Dr Moussa Fatimata) ont saisi la Cour de justice de l’UEMOA de deux (2) requêtes, toutes enregistrées le 28 août au greffe de ladite Cour. La première aux fins d’appréciation de la légalité des sanctions et la deuxième aux fins de sursis à exécution des sanctions. Le 21 septembre, le greffe de la Cour de justice de l’UEMOA a notifié la deuxième requête à la partie défenderesse. Par la suite, le 12 octobre, le président de la Cour a pris une ordonnance n° 44/2023/CJ pour proroger le délai accordé au représentant de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement pour le dépôt de ses observations. Ce dernier a déposé le mémoire au greffe de la Cour le 26 octobre. Trois semaines plus tard, ce 16 novembre, le président de la Cour, statuant en matière de référé, s’est déclaré compétent pour connaître de la requête aux fins de sursis à exécution des sanctions. Cette dernière ayant été déclarée recevable, le président décide : « Disons n’y avoir lieu à ordonner le sursis à l’exécution des sanctions prononcées par la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UEMOA lors de sa session extraordinaire tenue le 30 juillet 2023 à Abuja ; Réservons les dépens ; Disons qu’il nous en sera référé en cas de besoin. »
Réagissant à cette décision ce dimanche 19 novembre, le Ministre de la Justice a dénoncé avec vigueur une « parodie juridique ». Alio Daouda a parlé de partialité au sujet du président sénégalais de la Cour de justice de l’UEMOA. Alors qu’une prorogation de délai a été accordée au représentant de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, un autre Sénégalais, pour déposer ses observations par rapport à la requête du Niger, la partie nigérienne, elle, sera tenue dans l’ignorance de la date d’audience à laquelle la Cour devait vider sa saisine. Selon le Ministre de la Justice, l’Etat du Niger et les autres parties demanderesses n’ont donc pas pu prendre connaissance des observations de la partie défenderesse, a fortiori leur apporter d’éventuelles répliques. « La juridiction communautaire a violé de manière frontale un des principes élémentaires communs à toutes les procédures judiciaires, à savoir le principe du contradictoire. Ce faisant, elle a annoncé les couleurs quant à la décision à intervenir », a déclaré Alio Daouda. Pour rejeter la demande de sursis à exécution, le juge a rappelé les dispositions pertinentes de l’article 72 du règlement de procédures de la Cour : « Toute demande de sursis à exécution d’un acte d’une institution n’est recevable que si le demandeur a attaqué cet acte devant la Cour. » Le même article dispose que la partie demanderesse spécifie l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elle conclut. Le juge des référés reproche à la requête du Niger de n’avoir pas donné satisfaction à cette dernière condition. Mais le Ministre de la Justice fait observer que le juge lui-même écrit que sur les conséquences irréparables, les demandeurs ont exposé le caractère fragile et vulnérable de l’économie nigérienne et fait des développements sur les incidences de l’exécution des sanctions contestées sur l’économie… Selon Alio Daouda, le juge a fait une lecture biaisée des lois et règlements de l’UEMOA. « Le juge, dans sa lecture erronée de l’article 72, semble exiger que la requête doive démontrer le caractère illégal des mesures prises contre le Niger, ajoutant ainsi une condition qui n’existe que dans son imagination pour satisfaire les injonctions à lui données », a-t-il déploré.
L’Etat du Niger et les autres parties demanderesses ont largement fait cas des conséquences graves et des préjudices irréparables provoqués par les mesures de sanctions brutales et drastiques, a martelé Alio Daouda. « Pour refuser l’évidence, le juge a fait recours à une notion trouble, à savoir la mise en balance des intérêts ; que ce faisant, il s’est contredit lui-même parce que dans un des considérants de sa décision, il a affirmé que ‘’le caractère d’une demande de mesure provisoire doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires’’. » En invoquant une remise en cause de l’ordre constitutionnel pour justifier les sanctions, le juge en a apprécié la légalité et a, par ce moyen, nécessairement préjugé au fond. « Le juge s’est une fois de plus contredit. S’il y a une règle d’or en matière de référé, ce que les décisions rendues en cette matière ne doivent préjudicier au fond », a fait observer le Ministre de la Justice.
Comme on peut le constater, le juge n’a pas fait cas des autres parties dans la requête du Niger, il s’est contenté de faire une fixation sur les autorités militaires, présentées comme la cause des sanctions. La Cour de justice de l’UEMOA a-t-elle voulu prendre les devants pour orienter les décisions de la Cour de la CEDEAO dans le sens des desiderata de certains chefs d’Etat de l’espace obéissant aux agendas de puissances étrangères ? s’est interrogé le Ministre Alio Daouda. Pour ce dernier, le Niger tirera toutes les conséquences de cette parodie juridique.