La justice en marche
L’affaire dite ‘’Ibou Karadjé’’ est le tout premier dossier de corruption présumée sur lequel le président de la République s’est personnellement exprimé : « […] J’ai envoyé une inspection au Trésor relativement aux fonds qui ont été sortis par un agent du service des transports de la présidence de la République. J’ai reçu les conclusions de cette inspection, il s’avère qu’il a détourné quelque 8 milliards FCFA. J’ai remis le dossier au ministre de la Justice en l’instruisant de saisir le procureur pour qu’un juge soit nommé et que la justice fasse son travail sans aucune forme d’entrave Inch’Allah », a dit Bazoum Mohamed dans l’interview télévisée qu’il a accordée à l’occasion de ses 100 jours de présidence. Cette affaire a donné lieu à toutes les supputations imaginables. Des noms de personnalités de premier plan ont été cités. À plusieurs reprises, le tribunal populaire a rendu des verdicts les uns plus sévères que les autres. Dans le silence dont elle sait s’entourer, la justice s’est attelée à démêler les dessous de cette affaire. Une première étape vient d’être franchie.
Le scandale en chiffres
Dans notre parution n°2607 (du 04 novembre 2021), nous avions détaillé les montants frauduleusement soustraits du Trésor public dans cette affaire. Sur les 223 Lettres d’Autorisation de Paiement (LAP) émises sur la période couverte par l’IGE (2017-2020), seules deux (02) sont authentiques selon une enquête préliminaire de la Police Judiciaire (P.J.), le reste relève de la contrefaçon. C’est donc sur la base de faux documents que quelque 47.893.100 FCFA ont été soustraits du Trésor national en 2017. L’année suivante (2018) avec le même procédé mafieux, il a été pris des caisses publiques la somme de 1.600.546.200 FCFA. En 2019, l’État a été délesté à hauteur de 2.458.676.400 FCFA. Quant à 2020 (l’année des élections générales), quelque 4.116.306.500 FCFA se sont volatilisés du Trésor public. L’addition de toutes ces rapines donne la somme totale de 8.223.422.200 FCFA. Il est clair que l’ancien agent du service Transport de la présidence de la République s’est appuyé sur des complices (et pas des moindres) pour commettre les forfaits dont il est accusé.
Ordonnance de renvoi
Dans sa chute, Amadou Moussa Ibrahim dit ‘’Ibou Karadjé’’ a entraîné pas mal de monde. Tout en haut du tableau des présumés complices figure l’ancien payeur général, Mahamane Laouel Paul. Ce dernier s’est vu offrir une 4×4 V8 (année 2018) par ‘’Ibou Karadjé’’. Pour rappel, c’est du temps de ce haut cadre du Trésor national que l’essentiel des fausses LAP ont été réglées. C’est donc avec l’aval de Laouel Paul que 7.520.929.100 FCFA ont été enlevés des caisses de l’État dont 4.116.306.500 FCFA pour la seule année 2020. On y trouve aussi le nom de Zeinabou Illiassou Effarette (1er fondé des pouvoirs à l’époque des faits), Hamza Mayata ex Directeur général du Budget, Mani Mahaman Katché, ex Directeur général adjoint du Budget (DGAB), Mohamed Abdoulaye Mayaki également ex DGAB. D’autres agents du Trésor ( de moindre carrure) sont aussi cités dans ce dossier. Il est à noter que deux (02) agents de Police en service au Trésor (Issa Moussa et Abdoulaye Harouna) ont également été impliqués. Plusieurs professionnels du voyage font partie du réseau supposément dirigé par’’ Ibou Karadjé’’. Ainsi, Ibrahim Amadou Moussa (Sahel Voyage), Siddo Oumarou (agence Croix du Sud), Mahesh Chelani Goviandram (agence Satguru) ont tous été entendus dans ce dossier. Selon nos sources, le juge d’instruction a clos l’information judiciaire et a pris une ordonnance pour renvoyer l’affaire devant le tribunal pour être jugée. Les prévenus sont poursuivis pour corruption, faux et usage de faux, Détournement de Deniers Publics (DDP) et complicité de DDP. De toutes les personnes concernées par l’affaire, seules quatre (04) échapperaient aux poursuites. Il s’agit de l’ancien secrétaire général du Syndicat National des Agents du Trésor (SNAT), un autre agent du Trésor et les deux (02) policiers détachés au Trésor Désormais, tous les regards sont tournés vers le premier procès pour détournement présumé de deniers publics sous l’ère Bazoum. Doit-on s’attendre à des ‘’révélations explosives’’ durant ces audiences vivement attendues par les citoyens ? En attendant, le ‘’mystère’’ Ibou Karadjé reste entier. Affaire à suivre…