Laisser le dossier suivre son cours normal ou mettre un coup de frein à la procédure judiciaire afin d’épargner un allié de sa mouvance ? Tel est le dilemme auquel se trouve confronté le président Bazoum dans cette affaire de la Sonuci qui vient d’être relancée avec le démarrage, depuis lundi, des auditions dans les locaux de la Police Judiciaire (PJ) des personnes citées dans le rapport d’Inspection Générale d’Etat (IGE). Lequel rapport a mis à nu une gestion désastreuse de la société des années durant. Quels sont les scénarios possibles pour Bazoum ?
La neutralité
Dans notre livraison du mercredi 16 mai 2023, nous faisions état du démarrage des auditions à la Police Judiciaire (PJ) des agents de la Société nigérienne d’urbanisme et de construction immobilière (Sonuci) cités dans le rapport de l’Inspection Générale d’Etat (IGE) qui a relevé de graves manquements dans la gestion de l’entité étatique sur la période 2012-2022.
Plusieurs anciens responsables et des agents de la boîte ont déjà été interrogés, il reste seulement quelques-uns qui n’ont pas encore subi l’épreuve parmi lesquels l’actuel ministre de la Poste et des nouvelles technologies de l’information, Hassane Moussa Barazé, qui a aussi dirigé la société.
La position institutionnelle qu’il occupe présentement ne va-t-elle pas entraver la poursuite normale de la procédure judiciaire enclenchée pour faire la lumière dans ce dossier ? C’est la question que nombre d’analystes politiques se posent. Il ne s’agit pas ici de contraintes procédurales, ça ne se pose parce que les faits de gestion pour lesquels il est cité dans le rapport sont antérieurs à sa position de ministre. La question qui se pose ici est de savoir si le président Bazoum Mohamed est prêt à laisser la procédure judiciaire suivre son cours normal en autorisant son audition par la police judiciaire pour les besoins de l’enquête préliminaire.
Faire démissionner le ministre
Le faire, c’est prouver à l’opinion nationale surtout qu’il reste scotché à son engagement, de lutter sans discernement et sans atermoiement contre la malgouvernance, décliné à travers cet extrait de son discours d’investiture du 2 avril 2021 : ‘’Quiconque a une responsabilité dans l’administration publique répondra désormais tout seul et entièrement de ses actes. Son parti politique, sa base, sa famille, sa communauté ne lui seront d’aucun secours au cas où son comportement devrait commander une mesure coercitive à son encontre’’.
En poussant Hassane Barazé à la démission dans le cadre du traitement judiciaire de ce dossier Sonuci, le président Bazoum Mohamed va préserver la crédibilité de son gouvernement et marquer des points au sein de l’opinion nationale. Surtout dans un contexte où nombre de Nigériens doutent de plus en plus de sa volonté et de sa capacité réelle à lutter contre la corruption et l’impunité.
Choix difficile
Dans cette affaire, le choix n’est pas aussi simple qu’il n’y paraisse, pour le président Bazoum. Comme ce fut, du reste, le cas de l’ancien ministre de la Communication, Hama Zada, actuellement privé de sa liberté dans l’affaire Sopamin/Tanaadi. Dans le cas présent, il s’agit d’un ministre qui se trouve être en même temps président d’un parti, fidèle allié du PNDS-Tarayya, le parti présidentiel, à savoir l’ANDP Zaman Lahiya. La différence entre les deux cas réside à ce niveau d’analyse.
Livrer le ministre Barazé à la justice sans ménagement risquerait de provoquer une brouille entre les deux alliés et pourrait provoquer le départ de l’ANDP de la Mouvance pour la Renaissance du Niger (MRN). Pour sûr, les cadres et militants de base du parti du ‘’consensus’’ auront du mal à l’admettre et surmonter le coup.
Le président Bazoum est-il prêt à assumer une séparation brutale d’avec l’un de ses fidèles alliés politiques pour être en phase avec son engagement d’investiture rappelé ci-haut ? Le doute est permis ! Mais il dispose d’une porte de sortie honorable, d’une autre option, pour concilier son engagement et la préservation de l’alliance politique.
Devant cette situation, si le président Bazoum entend laisser la justice faire son travail sans entrave, il lui faudra nécessairement prendre langue avec l’appareil directoire de l’ANDP pour lui demander de proposer un nom pour le remplacement du président du parti au sein de l’équipe gouvernementale. Mais quelles sont les chances d’aboutissement d’une telle démarche ? Toute la question est là. Si les cadres restent solidaires vis-à-vis de leur président dans cette difficile épreuve, l’initiative risque d’être vouée à l’échec et de précipiter le départ de l’ANDP de la majorité présidentielle. Un autre paramètre à ne pas perdre de vue, nombre de cadres épinglés dans ce dossier Sonuci appartiennent à l’ANDP Zaman Lahiya. C’est dire que c’est une saignée importante que le parti risque de subir dans cette affaire.