En aucune façon, Bazoum Mohamed ne peut se désolidariser du bilan des deux mandats de son prédécesseur. Mais l’affaire dite ‘’Uraniumgate’’ dans laquelle est cité Issoufou Mahamadou, plonge le président de la République dans un dilemme cornélien.
Une image écornée
Pour Issoufou Mahamadou, le rebondissement de ‘’l’Uraniumgate’’ est arrivé comme un cheveu sur la soupe. Ce scandale politico-financier aux ramifications tentaculaires a éclaboussé l’ancien président de la République pile au moment où il s’apprêtait à recevoir officiellement le Prix Mo Ibrahim 2020 remis pour ‘’son bilan en faveur de la croissance économique du Niger. Et pour son respect de la transition démocratique. Il a été président du pays pendant 10 ans et n’a pas souhaité faire de troisième mandat’’. D’après Africa Intelligence (le journal à l’origine de la révélation), plusieurs enquêtes menées par les autorités américaines et françaises mettent en évidence des détails sur les bénéficiaires d’opérations menées par Areva au Niger en 2011. Parmi ceux qui auraient touché des bakchichs dans cette affaire, figure un certain T 3 : ‘’Un nom de code que des éléments de l’enquête américaine tendent à attribuer à l’ancien président du Niger, Mahamadou Issoufou. Actuel médiateur de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au Burkina Faso, il se retrouve suspecté d’avoir perçu2,6 millions de dollars virés par Energy Standard Trading FZE sur un compte de la Standard Chartered Bank de Dubaï’’, rapporte Africa Intelligence. Pour une image écornée, c’en est une. Il est évident que ces accusations tombent au plus mal pour Issoufou Mahamadou.
Le M62 à l’offensive
« Dénonciation des indices de corruption attribués à l’ancien président de la République du Niger Issoufou Mahamadou », tel est l’objet de la correspondance adressée à la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées (HALCIA) par le Mouvement M62-Moutouncthi/Bourtchinrarey qui souhaite que ‘’la HALCIA mène des investigations en lien avec l’affaire Uraniumgate conformément à son mandat’’. Par le passé, la société civile nigérienne a demandé aux autorités de faire la lumière sur cette affaire. La doléance a tourné court. Bazoum Mohamed, qui a érigé la lutte contre la corruption au rang des priorités phares de son mandat, est dans une bien mauvaise position. « […] Je voudrais dire clairement ici que quiconque a une responsabilité dans l’administration publique répondra désormais tout seul et entièrement de ses actes. Son parti politique, sa “base’’, sa famille, sa communauté ne lui seront d’aucun secours au cas où son comportement devrait commander une mesure coercitive à son encontre », a declaré le chef de l’État le jour de son investiture. Le souhait du M62 a-t-il des chances d’être exhaussé ? La HALCIA va-t-elle fouiner dans l’Uraniumgate ? Ces questions sont sur toutes les lèvres ces temps-ci au Niger.
Un dilemme cornélien
Bazoum Mohamed ne rate aucune occasion pour réaffirmer sa détermination à tordre le cou aux mauvaises pratiques : « J’ai toujours fait part de mon engagement à lutter contre la corruption et l’impunité. Je voudrais faire observer à ceux qui semblent douter de la sincérité de mon engagement en la matière que jamais les prisons du Niger, sous aucun régime depuis notre indépendance en 1960, n’ont compté autant de cadres de l’Etat privés de leur liberté pour fait de corruption ou de détournement de deniers publics », a-t-il rappelé à l’occasion de la cérémonie de présentation des vœux pour l’année 2023 aux institutions de la République, le 13 janvier 2023. Voilà le chef de l’État en face d’un dilemme cornélien. Va-t-il laisser les coudées franches à la HALCIA pour qu’elle accède à la requête du M62 ? Va-t-il donner un coup de frein à l’affaire ? Dans le premier cas, Bazoum Mohamed pourrait s’offrir l’opportunité de renforcer sa crédibilité au sein de l’opinion nationale. Par la même occasion, il pourrait s’extraire de ‘’l’ombre écrasante’’ de son prédécesseur que d’aucuns ne cessent de dénoncer. Par contre, dans le second cas, les Nigériens auront la preuve définitive que la justice est bien sélective dans notre pays. Une chose est sûre, le choix revient au président de la République.