Après cent jours de réclusion ce 3 novembre 2023, l’ombre de Mohamed Bazoum plane encore lourdement sur le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), la junte militaire qui a pris les rênes du Niger le 26 juillet 2023. Le CNSP, ayant espéré clore rapidement le chapitre Bazoum, se retrouve aujourd’hui confronté à un dilemme politiquement et moralement encombrant : que faire de l’ancien président détenu ?
Bazoum, loin d’être juste un pion destitué, s’affirme comme un roi en échec, mais pas mat. Sa résidence transformée en prison est devenue un symbole de la résistance face à la prise de pouvoir de la junte militaire. Le général Abdourahamane Tiani et ses camarades, qui avaient sans doute prévu une transition plus docile et moins scrutée, doivent désormais naviguer dans les eaux troubles d’une gouvernance difficile et d’une légitimité internationale fragile.
L’entêtement de Bazoum à ne pas démissionner malgré l’isolement et la surveillance étroite met le CNSP dans une position délicate. D’une part, sa détention prolongée sans procédure judiciaire claire attire l’attention des organisations de défense des droits humains et risque d’accentuer l’isolement diplomatique du Niger. D’autre part, relâcher Bazoum pourrait galvaniser ses partisans et remettre en question la stabilité précaire que le CNSP s’efforce d’établir.
De plus, la tentative avortée de l’évasion de Bazoum, rapportée par le CNSP, ajoute une couche de dramaturgie à une situation déjà complexe, exacerbant la pression sur la junte. Avec un procès évoqué par le procureur général près la Cour d’Appel de Niamey, le CNSP semble préparer le terrain pour une confrontation judiciaire qui pourrait soit légitimer son pouvoir, soit le discréditer davantage.
La position de Bazoum, irréductible, est devenue un casse-tête pour le CNSP, dont la crédibilité repose en partie sur sa capacité à résoudre la situation sans enfreindre les normes admises de justice et de droits de l’homme.
Le cas de Mohamed Bazoum n’est pas seulement un enjeu national ; il retentit également à l’échelle régionale, avec la Cour de justice de la Cedeao scrutant de près la situation. La demande de ses avocats, visant à exposer la détention arbitraire de leur client, pourrait rallumer les projecteurs internationaux sur les actions du CNSP, surtout si la cour devait statuer en faveur de Bazoum.
En parallèle, la vie continue dans les rues de Niamey, où l’on pourrait presque oublier la crise politique en cours si ce n’était les sanctions et la menace, de plus en plus distante, d’intervention militaire de la Cedeao.
La question de savoir comment résoudre « l’affaire Bazoum » est donc cruciale pour le CNSP, qui cherche désespérément une solution qui satisferait les acteurs nationaux et internationaux. La complexité de la situation fait de Bazoum un fardeau encombrant pour ceux qui l’ont destitué, et ce, bien après cent jours de détention.