Épilogue sans gloire
« À 13 h (heure de Paris), le dernier détachement de la force Barkhane a franchi, lundi 15 août, la frontière entre le Mali et le Niger, mettant fin à neuf ans d’opération militaire visant à éradiquer le terrorisme dans la région », rapporte un média français. Pour Paris, c’est l’épilogue sans gloire de l’une de ses plus longues OPEX (opérations militaires extérieures de la France). Arrivée au Mali en 2013 avec tambours et trompettes (à travers l’opération Serval), l’armée française vient de se retirer quasiment sur la pointe des pieds. « En 2021, l’opération Barkhane regroupe 5 100 soldats sur place, sur un total de 7 000 hommes déployés à travers le monde, soit plus des deux tiers des troupes en mission à l’étranger », rapportent des sources militaires françaises. « Barkhane a coûté 880 millions d’euros en 2020. C’est l’opération militaire française la plus importante », selon les mêmes sources. Mais pour quel résultat ? D’aucuns disent que la France a empêché aux djihadistes de prendre Bamako en 2013. Il est vrai que les premières heures de Serval ont permis de stopper la progression des colonnes djihadistes (que l’on nous a toujours pas montrées jusqu’à aujourd’hui) vers le centre du pays. Par la suite, la présence militaire française au Mali (rebaptisée Barkhane) n’a plus convaincu grand monde. Ces troupes se sont enlisées au Sahel. L’ennemi, qu’elles sont censées combattre, a repris du poil de la bête. Plus grave, la menace djihadiste s’est métastasée dans tout le Sahel.
Canons et chéquier
L’échec militaire de la France au Sahel est doublé d’un sentiment anti-français qui va crescendo. Paris paye non seulement pour son passé colonial mais aussi pour ses accointances coupables avec des régimes véreux d’Afrique francophone notamment. « En Afrique, la France vit dans une sorte d’anachronisme historique. Alors que le continent se mondialise, la présence militaire française donne l’impression, à toute une partie de la population, que Paris veut toujours tirer les ficelles d’une ‘Françafrique à l’ancienne’. Et cela est de moins en moins bien accepté par la jeunesse malienne, et plus généralement par l’ensemble de la jeunesse africaine », souligne le journaliste français Antoine Glaser. Il est clair que les convictions et l’engagement politique de la jeunesse actuelle sont aux antipodes de la vision de leurs aînés. La France a compris cette prise de conscience de la jeunesse. Elle tente de donner un nouvel emballage à sa présence militaire au Sahel car elle a compris que la priorité donnée à l’option militaire a conduit à l’enlisement du conflit. Pour ce faire, Paris s’appuie sur un volet civil avec l’Agence Française du Développement (AFD) dans l’espoir de gagner le cœur des Sahéliens. La France débarque au Niger avec des canons et un chéquier. L’AFD a déjà financé quelques projets dans ce sens. Est-ce la meilleure formule pour lutter contre le terrorisme et faire baisser le sentiment anti-français dans notre sous-région ? Il y a des doutes sur cette ‘’nouvelle stratégie’’ de la France au Sahel en général et au Niger en particulier.
Bazoum, l’ami pour combien de temps ?
Bazoum Mohamed est l’un des rares (sinon le seul) chef d’État du Sahel à se montrer ouvertement ‘’franco-compatible’’. En ouvrant les frontières de notre pays à Barkhane, le président de la République a-t-il fait le bon choix ? Pour l’instant, le sentiment anti-français est plus ou moins contenu au Niger. Mais il est évident que sur le long terme, les citoyens ne voudront plus s’accommoder d’une présence militaire qui n’apporte pas une plus-value significative dans le combat contre le terrorisme. Au-delà des résultats rapides attendus d’elle dans le domaine sécuritaire, la France doit aussi s’atteler à solder son passé colonial. Elle doit mettre fin à sa duplicité en fermant les yeux sur des élections truquées, soutenir des dirigeants incompétents et corrompus. Entre autres, l’arrimage de notre monnaie commune à la Banque de France doit également cesser, c’est le souhait ardent d’une jeunesse décomplexée et jalouse de son indépendance et qui en a marre de voir que les pays francophones du Sahel sont les plus instables et les plus pauvres au monde. La France joue donc son va-tout en redéployant ses militaires au Niger. Barkhane a une pressante obligation de résultats dans notre pays sous peine d’essuyer les mêmes inimitiés qu’au Mali, sinon pires.