Dans plusieurs de nos parutions, nous avions appelé le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) et le Gouvernement à engager un assainissement économique et financier au regard de la gestion peu orthodoxe des fonds publics sous l’ancien régime du PNDS – Tarayya. Ce faisant, nous n’avions fait que réitérer un appel pressant du peuple nigérien qui exige de voir les coupables des crimes économiques et financiers payer pour leurs forfaitures. Et c’est cette attente forte qui explique ce soutien populaire fort et massif aux nouvelles autorités du pays. Face aux importantes sanctions économiques et financières de la CEDEAO et de l’UEMOA et leurs effets qui se font ressentir, les versements des salaires des fonctionnaires sont observés avec anxiété à la fin du mois. Au sein de la Fonction publique, ils sont nombreux à s’inquiéter de ne pas percevoir leurs salaires. Du côté du Gouvernement, on se veut rassurant quant au payement régulier des salaires. Mais la suppression des fonctions des conseillers et chargés de mission à la Présidence de la République, au Parlement, au Cabinet du Premier ministre et au Cabinet du Haut représentant au Président de la République, ainsi que des fonctions de certains responsables de services rattachés à la Présidence de la République ne saurait suffire à constituer une bouffée d’oxygène pour les importantes charges financières de l’Etat. Un audit de la masse salariale et de l’Initiative 3N devrait être mené pour une véritable réduction du train de vie de l’Etat. Les chiffres annoncés sous l’ancien régime ne reflètent pas toujours la réalité.
La masse salariale
Les administrations publiques en Afrique sont souvent jugées pléthoriques et peu efficaces. Celle du Niger ne fait pas exception. Depuis l’avènement du PNDS – Tarayya au pouvoir, en 2011, jusqu’à sa chute, en juillet 2023, des recrutements à tours de bras ont eu lieu dans les administrations publiques le plus souvent sur la base du népotisme. Le système ‘’PAC’’ (parents, amis et connaissances) a tourné à fond. Au Ministère des Finances, par exemple, un directeur général est parent à Mohamed Bazoum, une directrice générale est parente par alliance à Ouhoumoudou Mahamadou, un directeur central est ami au ministre des Finances etc. Des recrutements plus qu’il n’en fallait. Conséquence, l’éthique dans la vie publique n’est plus une affaire de mérite et de valeurs au sein de l’administration. Au même moment, les traitements et salaires n’ont cessé de gonfler. Ils sont passés de 103 milliards de francs CFA en 2010 à 297,6 milliards en 2020, puis à 317,7 milliards en 2021, et à 346,1 milliards en 2022. Alors que l’UEMOA exige que le ratio de la masse salariale soit inférieur ou égal à 35% des recettes fiscales, au Niger on est à 38,00% en 2020 ; 41,80% en 2021 ; et 41,60% en 2022. Un audit de la masse salariale devrait s’intéresser aussi à l’aspect diplôme, car notre administration est truffée de faux diplômés. L’Administration n’étant pas efficace, souple et efficiente, cela a des répercussions sur les initiatives insufflées par le gouvernement lui-même pour développer le pays. Une de ces principales victimes est l’Initiative 3N.
L’Initiative 3N
Lancée en 2012, l’Initiative 3N (‘’Les Nigériens Nourrissent les Nigériens’’) vise « à faire en sorte que plus jamais sécheresse ne soit synonyme de famine », selon Issoufou Mahamadou dont l’ambition est de vaincre la faim au Niger à l’horizon 2021. Mais l’impact de ce vaste programme peine à se concrétiser. L’Initiative 3N, au Niger, plus personne n’en parle. Et dire que ce sont au total quelque 3.000 milliards de F CFA qui ont été consacrés aux actions d’opérationnalisation de ce programme, dixit Issoufou Mahamadou en décembre 2020. Le Niger reste pourtant toujours confronté à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire, 4,3 millions de personnes ayant besoin d’une assistance humanitaire en 2023, soit une augmentation de 14 % par rapport à l’année 2022. La mauvaise gestion du financement de l’Initiative 3N l’avait-elle empêché d’atteindre ses objectifs ? Seul un audit saurait le dire.