Samedi 06 mai 2023. Au dernier jour de la 4ème session de la Chambre criminelle du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey, une seule affaire inscrite au rôle de l’audience : l’affaire dite de la crise postélectorale de février 2021, pour laquelle le Général (ER) Moumouni Boureima, dit Tchanga, 71 ans, Saidou Tahirou Mayaki, président de la Coordination régionale Lumana de Tillabéri, 78 ans, et Djibril Baré Mainassara, candidat à la dernière présidentielle, 66 ans, sont présents à la barre. Il ressort de l’arrêt de renvoi, dont la lecture a duré plus d’une (1) heure d’horloge, que les actes commis par les manifestants suite à la proclamation par la CENI des résultats de la présidentielle donnant Mohamed Bazoum gagnant ne pouvait qu’être imputés à Moumouni Boureima et Saidou Mayaki pour leurs propos tenus lors de la campagne électorale. C’est ainsi qu’ils sont accusés de propagande à caractère régionaliste ou religieux, de complicité d’incendie volontaire d’habitation, de complicité de meurtre, de complicité d’attroupement armé, de complicité de dégradation de biens publics et privés, de complicité de coups et blessures volontaires, de complicité de vol en réunion avec port d’arme par effraction, etc. Quant à Djibril Baré, il est prévenu de diffusion de données de nature à troubler l’ordre public.
Après la lecture de l’arrêt de renvoi, le président de la Chambre criminelle demande aux trois mis en cause s’ils reconnaissent les faits qui leur sont reprochés. Et chacun d’entre eux de répondre par la négative. Moumouni Boureima et Saidou Tahirou Mayaki auraient appelé les Nigériens à défendre leur vote. Quant à Djibril Baré, sur la base de vrais résultats de la présidentielle, il aurait écrit à Mahamane Ousmane pour lui demander de prendre ses responsabilités. Alors que la Chambre s’apprêtait à passer à l’étude de personnalité des deux accusés et du prévenu, la défense de Moumouni Boureima et celle de Saidou Tahirou Mayaki soulèvent une exception d’inconstitutionnalité. Selon les robes noires, la loi sur la Chambre criminelle ne serait pas conforme à la Constitution. Aussi, elles ont demandé un sursis à statuer jusqu’à ce que la Cour constitutionnelle se prononce. Il n’existerait pas de possibilité d’un second degré de juridiction des décisions de la Chambre criminelle. Par ailleurs, en matière criminelle, le travail d’un juge d’instruction doit être envoyé devant la chambre de contrôle de l’instruction. Ce qui ne serait pas le cas dans ce dossier, disent les avocats.
Le parquet ne s’oppose pas à cette demande d’exception d’inconstitutionnalité, mais demande néanmoins à la Chambre criminelle de décerner une ordonnance de prise de corps contre Moumouni Boureima et Saidou Tahirou, c’est-à-dire de les renvoyer en prison en attendant que la requête de leur défense soit examinée et tranchée. A 11 h 15 mn, le président de la Chambre criminelle suspend l’audience pour délibérer. Une trentaine de minutes plus tard, il annonce un sursis à statuer et le rejet de la demande d’une ordonnance de prise de corps. « Toute personne partie à un procès peut soulever l’inconstitutionnalité d’une loi devant toute juridiction, par voie d’exception. Celle-ci doit surseoir à statuer jusqu’à la décision de la Cour constitutionnelle, qui doit intervenir dans un délai de trente (30) jours. Une disposition déclarée inconstitutionnelle est caduque de plein droit… », dit l’article 132 de la Constitution.