Des questions en suspens
Le général et théoricien militaire allemand Clausewitz a dit : « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». En clair, toute action militaire vise à atteindre des objectifs fixés par des décideurs politiques. Dans les démocraties, l’armée, en tant qu’institution républicaine, reste sous la coupe des dirigeants légalement élus. C’est dire que l’efficacité d’une armée est, en grande partie, sujette à la clarté de la vision et des objectifs de son chef suprême, en l’occurrence le président de la République. Questions : quel regard Bazoum Mohamed porte-t-il sur la situation sécuritaire de notre pays ? A-t-il conscience de la gravité des menaces auxquelles fait face le Niger depuis plusieurs années déjà ? « S’il y a une question sur laquelle je suis bien informé, c’est bien cette question de sécurité », a dit le chef de l’État lors de la ‘’Conférence des cadres’’ qu’il a animée le 25 février 2022 au centre de conférences Mahatma Gandhi de Niamey. Bazoum Mohamed est peut-être informé de ce qu’il se passe sur le terrain. Mais prend-il les bonnes décisions, au bon moment ? Donne-t-il les bons ordres quand il le faut ? Conduit-il ses armées dans les règles de l’art ? Est-il entouré de bonnes compétences (civiles et militaires) ? Autant de questions en suspens.
Les bonnes compétences d’abord
« Nous avons décidé une politique de montée en puissance qui a consisté à accroître les effectifs. Quand nous sommes venus, nous avons des effectifs bien déterminés. Et notre volonté, c’est atteindre 50.000 soldats d’ici 2025 (…) Aujourd’hui nous avons plusieurs opérations qui engagent en permanence près de 12.000 personnels dans les différentes zones affectées par l’insécurité », a précisé le président de la République lors de la rencontre citée plus haut. Il est évident que Bazoum Mohamed fait ce qu’il peut et du mieux qu’il peut. Ses intentions sont pour le moins louables. De l’acquisition de matériels de guerre à l’augmentation des effectifs et la formation des troupes en passant par la diversification des partenaires, le président de la République ne ménage guère ses efforts. Malgré cette volonté du chef suprême des Armées, les résultats sur le terrain se font toujours attendre. Ecartelé entre plusieurs fronts, Bazoum Mohamed fait souvent montre de candeur politique, il interprète la réalité d’une drôle de façon. C’est ainsi qu’il engage « l’armée à apporter une réponse adéquate avec un plan de sécurisation pouvant permettre aux populations de retourner dans les villages ». Le chef de l’État oublie que cette armée peine à faire face à un ennemi de plus en plus violent, sanguinaire. Il est clair que les équipements (aussi modernes soient-ils) et l’’étoffement des effectifs (aussi grand soit-il) ne suffisent pas à vaincre l’hydre djihadiste et à empêcher la prolifération du terrorisme.
Le talon d’Achille
Le talon d’Achille En dehors de l’implication du politique, la force et l’efficacité d’une armée reposent grandement sur la chaîne de commandement. C’est justement là que se situe le talon d’Achille de Bazoum Mohamed dans sa guerre contre les djihadistes. L’échec du militaire est avant tout l’échec du politique. Les dirigeants politiques doivent savoir mettre les hommes qu’il faut à la place qu’il faut au sein de la Grande Muette. Depuis son accession au pouvoir, Bazoum Mohamed n’a quasiment pas remodelé la chaîne de commandement. Il s’est accommodé d’une équipe qui ne gagne pas. Et quand une équipe ne gagne pas, on commence par changer l’entraîneur, puis ensuite les joueurs si c’est nécessaire. Quand est-ce que Bazoum Mohamad va-t-il abandonner ses discours pour enfin se glisser dans sa tenue de chef de guerre ? Le plus vite sera le mieux.