Tout pouvoir accordé à une personne implique qu’il soit employé de façon légitime, c’est-à-dire que toute personne titulaire de prérogatives de puissance publique ne doit pas outrepasser ses droits. Un jeune commissaire en fonction au Service central de lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière organisée de Niamey avait-il ignoré ce principe de droit ? Un jour de janvier 2023, sur le boulevard Mali-Béro à Niamey, un accident de la circulation implique deux voitures dont l’une est conduite par le commissaire de police.
Le service constat de la police chargée de la circulation routière est appelé sur les lieux de l’accident. Au moment où l’autre conducteur, un certain Mamane, s’apprêtait à reprendre son véhicule, le commissaire de police l’aurait interpellé et lui aurait ordonné de le conduire dans une clinique de la place où officie son médecin traitant. L’autre refuse calmement, mais catégoriquement. C’est alors que surgit une patrouille de la police sur les lieux. Avait-elle été appelée par le commissaire ? Nous l’ignorons. Ce qui est sûr en revanche, le véhicule de Mamane sera passé au peigne fin par les policiers. Ces derniers y découvrent une, deux, puis trois cartouches. Le commissaire ordonne aux agents d’embarquer Mamane et d’en rendre compte à leur hiérarchie. Il est rapidement placé en garde à vue. Une perquisition de son domicile s’avère infructueuse. Il est alors remis en liberté. Mais Mamane n’entend pas en rester là. Il porte plainte contre le commissaire de police.
Une enquête de la gendarmerie permet de découvrir que les munitions en cause proviennent d’une dotation des services de sécurité de l’ambassade des Etats-Unis, des munitions utilisées lors des séances de tirs d’entrainement au Service central de lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière organisée. Les munitions en cause mènent-elles au commissaire de police ? Oui, croit savoir une source proche de l’enquête. Dès lors, l’étau ne pouvait que se resserrer autour du policier, qui a la qualité d’officier de police judiciaire. « Lorsqu’un officier de police judiciaire est susceptible d’être inculpé d’un crime ou d’un délit qui aurait été commis dans la circonscription où il est territorialement compétent, hors ou dans l’exercice de ses fonctions, le Procureur de la République saisi de l’affaire présente, sans délai, requête à la Cour de cassation qui procède et statue comme en matière de règlement de juges et désigne la juridiction qui sera chargée de l’instruction ou du jugement de l’affaire… », dit l’article 640 du code de procédure pénale. Et comme pour donner suite à la requête du Parquet près le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey, la Cour de cassation, la plus haute juridiction en matière judiciaire, a chargé le Tribunal de grande instance de Dosso d’instruire et, éventuellement, juger cette affaire. Autrement dit, une information judiciaire est ouverte contre le commissaire de police pour des faits présumés d’attentat à la liberté, d’abus d’autorité et de dénonciation calomnieuse.