Dans l’histoire politique africaine, les coups d’État ont souvent été perçus comme un moyen de provoquer un changement urgent et nécessaire. Cependant, le cas du Niger soulève une question cruciale : est-ce vraiment une quête de changement ou une façade pour s’accaparer du pouvoir ? La situation actuelle du pays, marquée par une transition incertaine, trahit les espoirs de lendemains démocratiques.
La popularité du CNSP dans le pays, surtout auprès d’une jeunesse désorientée, s’explique par des promesses non tenues de la démocratie libérale, une défiance croissante envers les anciennes élites. Cette situation rappelle les mots de Frantz Fanon, qui dans “Les Damnés de la Terre” avertissait contre le risque que de nouveaux dirigeants africains remplacent simplement les chaînes coloniales par leurs propres formes de domination. L’enthousiasme pour le néosouverainisme, alimenté sur les réseaux sociaux par des discours panafricanistes enflammés contre l’ancienne puissance coloniale (La France) et des appels à se tourner vers de nouveaux partenaires comme la Russie ou la Chine, illustre bien cette dynamique. Toutefois, il est à craindre que cette vague de néosouverainisme ne soit moins un projet politique cohérent qu’une réaction épidermique face au désarroi d’une population déboussolée. Cette approche, bien qu’attrayante dans sa simplicité, risque de devenir un écran de fumée masquant les véritables enjeux nationaux.
Le véritable panafricanisme ne saurait être fondé sur la haine ou le rejet simpliste d’autres nations. Comme l’a brillamment souligné Kwame Nkrumah, un des pères du panafricanisme, il s’agit plutôt d’une quête de solutions propres à chaque Etatafricain. Dans ce contexte, la quête de souveraineté du Niger ne peut pas être atteinte par des slogans, mais par une stratégie bien élaborée, qui prend en compte la complexité des défis auxquels le pays est confronté.
La voie vers une véritable souveraineté – économique, alimentaire, sécuritaire, énergétique et monétaire – nécessitedonc une introspection profonde. Cela implique de se défaire des chaînes de la dépendance, mais sans tomber dans le piège de nouveaux impérialismes déguisés. La solution n’est pas dans un rejet catégorique de l’Occident, mais dans une approche équilibrant le riche passé de notre pays avec les opportunités futures, tout en se méfiant des solutions faciles.
La tâche qui attend Tiani et ses camarades est donc herculéenne : bâtir un avenir du Niger qui soit le reflet de sa propre identité et de ses aspirations, sans reproduire les erreurs du passé ni s’engouffrer dans des illusions géopolitiques. Comme l’exprimait Amilcar Cabral, la lutte pour la libération est aussi une lutte contre nos propres faiblesses. Le Niger doit donc se réinventer, en forgeant un destin qui lui soit propre, sans se laisser dicter sa voie par les autres, mais en apprenant d’eux.