Comme vous le savez, l’augmentation du prix du litre du gasoil à la pompe, entrée en vigueur depuis le 1er août dernier, de 538 à 668 francs CFA soit une hausse de 130 francs, ne passe pas auprès des organisations de la société civile et des consommateurs. Les arguments avancés par le Ministre du Commerce pour tenter de justifier cette mesure n’ont en effet pas convaincu les Nigériens. Pour un pays producteur de pétrole comme le Niger, qui n’est nullement impacté par la guerre en Ukraine, les arguments de Alkache Alhada sont tout simplement « fallacieux et sans fondement », dixit l’Intersyndicale des travailleurs du Niger (ITN). Cette augmentation a été perçue comme une mesure antisociale, car intervenant dans un contexte de cherté de la vie qui affecte déjà les ménages nigériens. Face aux répercussions de cette hausse du prix du gasoil sur les coûts du transport des marchandises et des personnes, ainsi que des produits de grande consommation, deux (2) citoyens nigériens, conseillés par Maitre Moustapha N. Amidou, Avocat à la Cour et Président de l’Association des Jeunes Avocats du Niger, ont introduit ce lundi 15 août auprès du Ministre du Commerce un recours gracieux contre l’arrêté n° 0057/MC/SG/DCI/LCVC du 31 juillet 2022 fixant les prix de vente détail à la pompe du super 91, du gasoil, du mélange 2 temps et du FOD. Et ce, conformément à l’article 104, alinéa 2, de la loi n° 2013 – 02 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement du Conseil d’Etat qui dispose que « … recours administratif préalable doit être formé dans le délai de deux (2) mois selon le cas, à compter de la publication ou de la notification de la décision attaquée sauf dispositions spéciales contraires. Toutefois, ce délai est de quinze (15) jours lorsque la décision attaquée porte sur une mesure individuelle ».
Selon le Conseil des requérants, l’arrêté querellé viole des dispositions de plusieurs lois, notamment la Déclaration universelle des droits de l’Homme (articles 22 et 25), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 11), et la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples (article 21). « L’arrêté querellé est nul en ce qu’il viole les dispositions suscitées et en ce qu’il n’est pas motivé et fait référence à des conclusions des travaux du Comité technique permanent chargé de réfléchir sur la commercialisation des produits pétroliers de la Soraz en date du 19 septembre 2011 ; des conclusions de la réunion du Conseil des ministres du 21 septembre 2012 ; des conclusions de la réunion du Conseil des ministres du 28 septembre 2020 », pouvait-on lire dans la correspondance adressée au Ministre du Commerce dont L’Enquêteur a obtenu copie. Toutes choses qui seraient en contradiction avec les motifs contenus dans l’arrêté ministériel du 31 juillet 2022. Pour Maitre Moustapha Amidou, l’arrêté est aussi « nul pour détournement manifeste de pouvoir en ce que la protection dont vous faites cas (pour le marché intérieur) va créer des taxes et frais supplémentaires au profit de l’Etat et de la Sonidep sans que cela passe par la procédure normale ». Juridiquement, et selon son intime conviction, le Conseil des requérants croit savoir que « les conclusions sur lesquelles se fondent ledit arrêté ne reflètent pas la réalité de la situation actuelle en ce que la protection du marché intérieur ne nécessite pas l’augmentation de la somme de 130 F CFA sur le litre de gasoil, et peut même être fait en mieux règlementant la sortie du gasoil du Niger ».
Par ailleurs, l’arrêté ministériel signé le 31 juillet 2022 a pris effet dès le lendemain, sans être publié au Journal officiel. Or, il est de principe qu’un acte règlementaire ne pouvait s’appliquer qu’après sa publication au JO. Pour toutes les raisons de droit énumérées, les requérants et leur conseil demandent au Ministre du Commerce de bien vouloir « rapporter » son arrêté illégal. Alkache Alhada va-t-il humblement se racheter ?
Parallèlement à ce recours gracieux, les requérants et leur conseil ont saisi aussi le Conseil d’Etat aux fins de l’annulation de l’arrêté ministériel incriminé. Si la plus haute juridiction administrative va se prononcer le 29 août prochain, le Ministre du Commerce, lui, a deux (2) mois pour répondre à la requête à lui adressée, et il devrait savoir que les prix du pétrole continuent de baisser ce mardi 16 août. Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en octobre se situe en dessous des 95 dollars et le baril américain demeure sous la barre des 89 dollars. Après avoir flambé en début d’année avec la forte demande post-Covid et le début de l’invasion russe en Ukraine, les cours du baril ont perdu plus de 20% en deux mois. Ce qui devrait être une bonne nouvelle pour le consommateur qui subit la hausse des prix de l’énergie.
Affaire à suivre…