Ces jours-ci, le président de la République a connu la toute première série de grèves de son quinquennat. Bazoum Mohamed va-t-il prêter une oreille attentive aux diverses revendications ou compte-t-il privilégier la ‘’stratégie du pourrissement’’ ? La dernière option n’est certainement pas la meilleure, ni pour lui, ni pour le Niger.
Ça commence à faire beaucoup
La bataille du ‘’monopole de la légitimité syndicale’’ continue entre la Confédération Démocratique des Travailleurs du Niger (CDTN) et l’Intersyndicale des travailleurs du Niger (ITN). La CDTN exhibe ses lauriers de « centrale syndicale la plus représentative au Niger à l’issue des élections professionnelles organisées le 31 juillet 2019 ». À l’opposé, l’ITN se targue d’abriter en son sein quelque quatre centrales (non moins représentatives) que sont l’Union des syndicats des travailleurs du Niger (USTN), la Confédération nigérienne de travail (CNT), la Confédération générale des syndicats libres (CGSL) et l’Union syndicale et progressiste des travailleurs (USPT). Lequel de ces deux blocs a suffisamment de légitimité pour parler au nom des travailleurs Nigériens ? Une chose est sûre, cette guéguerre entre leaders syndicaux fait grandement les affaires du gouvernement. Le régime en place ne se prive pas de la bonne vieille politique consistant à diviser pour mieux régner. À la colère des travailleurs du secteur public, est venue se greffer celle du syndicat des commerçants importateurs, exportateurs et grossistes du Niger (SCIEGN), du syndicat National des agents de transit (SYNAT), et de l’association des délégués des commerçants des marchés du Niger (ADCMN). Ça commence à faire beaucoup pour le régime en place.
Un cheval de Troie nommé CDTN
« Niamey : Grève des syndicats des commerçants bien suivie dans la ville », a titré la presse étatique relativement au mot d’ordre de grève du 27 janvier 2023 lancé par les syndicats cités plus haut. Du ‘’départ pur et simple du directeur général de la SOCOGEM’’ à la suppression de la facture certifiée en passant par la cherté des marchandises (du fait de lourds tarifs douaniers et autres tracasseries administratives), les revendications des commerçants sont pour le moins protéiformes. Que fait l’Exécutif face à cette avalanche de grèves ? « Le porte-parole du gouvernement, Tidjani Idrissa Abdoulkadri, a animé ce 27 janvier 2023 un point de presse sur l’état des négociations avec les partenaires sociaux », apprend-on. Seulement, cette ‘’tentative de rabibochage’’ entreprise par le gouvernement est bien tardive. Elle aurait dû être enclenchée en amont et avec toute la sincérité requise. Ça n’a pas été le cas surtout pour ce qui est du prévis de grève déposé par l’ITN. La rencontre du 19 janvier 2023 entre le président de la République et les centrales syndicales n’a pas permis de crever l’abcès, de discuter en profondeur des sujets qui fâchent. En vérité, la CDTN a servi de cheval de Troie pour le gouvernement dans l’espoir de briser l’entrain de l’ITN. C’est du moins l’impression largement partagée par les observateurs. Après le succès de cette série de grèves, le président de la République va-t-il prêter une oreille attentive aux diverses revendications ou compte-t-il privilégier la ‘’stratégie du pourrissement’’ ? C’est la question sur toutes les lèvres.
Désamorcer les tensions
Il est évident que sur le plan social, Bazoum Mohamed a hérité d’innommables fissures provoquées par son prédécesseur. Si rien n’est fait dans le sens de l’apaisement, de la prise en compte des récriminations, ces zébrures risquent fort de se transformer en fractures. Une décennie durant, l’ancien président de la République a clairement opté pour l’étouffement de la colère sociale en interdisant jusqu’à la moindre manifestation pacifique. Bazoum Mohamed va-t-il perpétuer cette logique liberticide ? La question reste posée. C’est connu de tous, la ‘’stratégie du pourrissement’’ (le fait de délégitimer les actions et revendications des citoyens) ne peut aboutir qu’à une situation de blocage. On le voit, le président de la République n’a pas 36 solutions, il doit faire attention au point de non-retour. Il doit prendre à bras-le-corps les revendications syndicales qui fusent ces jours-ci avant que l’ITN et les commerçants ne radicalisent leurs mouvements.