Le Niger se trouve face à un sombre présage pour la démocratie. L’avant-projet de loi du PNDS-Tarayya, le principal parti au pouvoir, concernant le régime général des élections et des référendums, fixe les cautions et les participations aux frais électoraux à des montants faramineux :
Deux cent millions (200.000.000) de francs CFA par candidat, pour l’élection du Président de la République ; Cinquante millions (50.000.000) francs CFA par la liste de candidats pour toutes les circonscriptions ordinaires à titre de participation aux frais électoraux pour les élections législatives ; Vingt-cinq millions (25.000.000) francs CFA par candidat pour les circonscriptions spéciales à titre de participation aux frais électoraux, pour les élections législatives ; Deux millions (2.000.000) francs CFA par liste, pour les élections locales. Les sommes colossales exigées posent la question de l’accessibilité démocratique aux postes politiques. Quels pourraient être les impacts de ce projet sur la démocratie nigérienne si celui-ci était adopté ?
Des barrières financières inconciliables avec la réalité économique
Dans un pays où le Salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) est l’un des plus bas de la sous-région, soit 42.000 F CFA, et où le citoyen vit avec moins d’un dollar par jour, il semble inconcevable de demander à un candidat potentiel de verser au Trésor public une somme aussi exorbitante. Le moindre poste de conseiller local demanderait plusieurs siècles d’épargne. Que dire alors des autres fonctions, plus élevées et encore plus onéreuses ? Il en résulte une exclusion de facto de candidats potentiels, et un appauvrissement de la diversité des voix représentées. La démocratie se meurt ainsi dans l’œuf, privée d’aspirants nés de la volonté populaire, pour laisser la place à un cercle restreint de privilégiés.
Une trajectoire démocratique catastrophique
Ces dispositions nous éloignent dramatiquement du principe sacro-saint de la démocratie, “un homme, une voix”. L’argent devient le décideur suprême, engendrant une trajectoire potentiellement catastrophique pour la démocratie représentative au Niger. L’argent va déterminer la composition des assemblées et le profil des élus et, de ce fait, influencera inévitablement les choix de société et les orientations économiques. Cela va ériger un mur infranchissable pour la majorité des Nigériens, en limitant la participation politique à une élite restreinte. En effet, l’opulence serait de facto le seul critère d’éligibilité, reléguant les compétences, l’intégrité et l’engagement au second plan.
Le cercle vicieux des inégalités
Cette configuration pourrait enclencher un cercle vicieux qui entraînera une dérive autoritaire, où seuls les intérêts des classes supérieures seront pris en compte. Le “pouvoir du portefeuille” semble vouloir supplanter l’essence de la démocratie, et ouvre la porte à une abstention massive lors des élections. Cette abstention, déjà conséquente lors des élections, ne fera que croître face à cette confiscation du pouvoir par une minorité. Les classes populaires, privées de leur voix, verront leurs intérêts foulés aux pieds.
Combattre cet avant-projet de loi
L’idée selon laquelle ceux qui ont réussi seraient au final plus à même de décider pour la majorité ce qui est bon pour nous tous semble en voie de remplacer une démocratie qui n’en a plus que le nom. L’essence même de la démocratie, qui suppose une participation équitable de tous les citoyens, est ainsi sacrifiée sur l’autel de l’élitisme. Une situation qui va conduire non seulement à une perte de confiance dans les institutions mais aussi à un rejet de la démocratie.
Cet avant-projet de loi, s’il est adopté, risque de creuser un gouffre entre le peuple et ses représentants, et de priver la démocratie nigérienne de sa vitalité et de sa pluralité et ouvrirait inéluctablement la voie à une crise démocratique majeure. Il est donc impératif de le dénoncer e de le combattre.