Etape de Malanville, de retour de Cotonou en partance pour Niamey. Le bus entre dans la zone de contrôle policier des passagers de la localité. Une voix retentit à l’avant du bus : ‘’Tout le monde descend, avec uniquement sa pièce d’identité. Laissez vos bagages à l’intérieur et allez au poste de police pour les formalités. Vous allez récupérer vos bagages en aval du poste et prendre des ‘’Kabou-Kabou’’ qui vous transporteront jusqu’au bord du fleuve et les pirogues avec qui ‘’la compagnie de transport nigérienne’’ a signé un accord pour la traversée du fleuve de ses clients.
Les passagers descendent et se suivent à la queue leu-leu jusqu’au bloc où un policier est debout au niveau d’un guichet derrière lequel est assis un autre pour vérifier les pièces et fixer le montant à payer. Si la pièce d’identité est valide, le montant à débourser est de mille francs CFA. Au cas où elle est périmée ou bien le passager n’a pas du tout de pièce sur lui, c’est le double voire le triple du montant en fonction de la nationalité. Ça ne se négocie pas, c’est la règle. On paie, on passe ! On fait de la résistance, c’est l’attente interminable jusqu’à la fin du contrôle de tous les passagers arrivés dans le bus.
Après, il faut marcher pour rejoindre le bus qui a manœuvré entre temps pour se positionner en aval du poste de police et descendre ses bagages. Ensuite emprunter un ‘’Kabou-Kabou’’ au service de la compagnie de transport pour gagner le rivage où l’embarquement des passagers a lieu dans les pirogues de fortune, qui prennent l’eau de toutes parts. Le montant de la course ‘’Kabou-Kabou’’ est fonction du volume des bagages du passager, qui est négocié âprement. Sur le rivage, le passager n’a pas encore fini de soulager son portefeuille. Il lui faut encore négocier le montant de la traversée et le chargement de ses bagages dans la pirogue par de solides gaillards, qui passent à l’action dès que le marché est conclu avec le client.
Lorsque tout le monde embarque dans la pirogue, prête à larguer les amarres, un commissionnaire de la police béninoise entre dans l’embarcation pour exiger des passagers le versement des frais de la police. Il circule fièrement dans la barque pour faire la quête.
La somme à débourser est de mille francs par passager. ‘’Si une seule personne refuse de payer, la pirogue ne va pas bouger d’ici’’, menace-t-il, sous le regard vigilant d’un agent de police à moto, qui suit à distance l’opération de collecte sous un arbre au bord de l’eau. Le dernier mot lui revient quand un passager se trouve dans l’incapacité financière de payer.
S’en suivent parfois de chaudes empoignades verbales entre le collecteur de la police et des passagers qui considèrent la nouvelle quête comme une arnaque, pour avoir déjà versé mille francs au niveau du poste de contrôle policier en amont.
De guerre lasse, on trouve finalement un terrain d’entente et la pirogue à moteur démarre pour aller accoster à un rivage non loin du lieu d’embarquement des passagers. C’est le poste de contrôle de la douane béninoise. Là aussi, la somme à déflaquer par chaque passager est de mille francs CFA, que vous ayez des bagages ou non ! Tout le monde est frappé avec le même bâton.
‘’Il faut payer, sinon tous les bagages seront descendus et soumis à une fouille minutieuse qui risque de nous bloquer jusqu’à la fermeture de la navigation à 18 heures’’, négocie l’assistant du piroguier, les agents des douanes présumés, en tenue débraillée, arrêtés sur la berge en train d’attendre la fin de la collecte de l’argent.
‘’Ce n’est pas fini, il y a encore un autre poste des forces spéciales maritimes béninoises qui nous attend devant’’, lance l’assistant du piroguier avec un sourire narquois. Histoire de rajouter au stress des passagers qui se demandent à quelle sauce ils seront mangés au niveau de ce poste spécial sur l’eau du fleuve Niger.
Nous n’avons pas vu le fameux poste jusqu’au débarquement des passagers sur la rive du fleuve à Gaya. ‘’Les éléments la force spéciales ne sont pas sortis aujourd’hui, c’est une chance pour nous’’, lance fièrement l’assistant du piroguier aux passagers.
C’est l’arnaque, le braquage des passagers, sur toute la ligne. Pour la traversée du fleuve en pirogue de Malanville à Gaya et vice-versa, le coût est parfois démentiel. La fermeture de la frontière, suite au coup d’Etat du 26 juillet 2023, n’a pas interrompu les échanges économiques informels entre le Bénin et notre pays. La CEDEAO a levé ses sanctions le 24 février 2024. Suite à cette décision, le Bénin a systématiquement libéré sa frontière. La balle est désormais dans le camp des autorités nigériennes de transition, qui ne doivent pas minimiser l’ampleur des souffrances dont sont victimes les voyageurs.