L’année 2024 marque un tournant décisif dans l’histoire énergétique du Niger avec la mise en service de l’oléoduc d’exportation du pétrole brut d’Agadem, s’étendant jusqu’au port de Sèmè au Bénin. L’infrastructure est construite par China National Petroleum Corp (CNPC), l’opérateur des champs pétroliers. Prévue pour début mai, le remplissage des cuves destinées à l’exportation, ouvrirait la voie au chargement du premier tanker.
Dans cette perspective, le CNSP envisage de tirer parti de cette infrastructure pour obtenir un préfinancement, gagé sur les futurs enlèvements du brut. Désireuse d’obtenir les meilleures conditions possibles pour la vente du pétrole, la junte a opté pour une approche ouverte, acceptant de recevoir les propositions de traders privés afin de faire jouer la concurrence avec CNPC.
Parmi les acteurs intéressés figurent BB Energy et BGN International, négociant turc. Cette démarche stratégique est d’autant plus pertinente que le marché pétrolier mondial est sujet à de constantes fluctuations, rendant la diversification des partenaires commerciaux non seulement souhaitable mais essentielle.
Cependant, une controverse se profile au sommet de l’État. Des acteurs influents semblent favoriser la CNPC dans l’acquisition des droits de vente de la part de l’État du Niger du brut d’Agadem, qui représente 25,4 % du volume total, soit près de 110.000 barils par jour. Cette quantité inclut 90.000 barils par jour destinés à l’exportation. La CNPC aurait proposé un préfinancement de 400 millions de dollars US, mais cette démarche suscite des interrogations. En effet, si le Niger choisissait de commercialiser lui-même sa part de brut (8 cargaisons annuelles), cela pourrait lui rapporter 680 millions de dollars US annuellement.
Cette situation soulève des questions cruciales : peut-on justifier une perte potentielle de 280 millions de dollars US pour le Niger, un pays récemment touché par un embargo de la CEDEAO et de l’UEMOA et dont l’économie est fragile ? Qui sont les acteurs tapis au sein du pouvoir qui favorisent ce partenariat potentiellement désavantageux pour le Niger ? De plus, confier la commercialisation à la CNPC ne va-t-elle pas entraîner un conflit d’intérêts, cette dernière étant déjà impliquée dans l’exploitation du pétrole nigérien ? Il est impératif que le général Tiani, qui s’est engagé à défendre les intérêts du Niger, prenne conscience de ces enjeux et réoriente les choses en conséquence. Les Nigériens ne sauraient accepter que des intérêts étrangers, en complicité avec des acteurs locaux peu scrupuleux, profitent indûment des ressources pétrolières du pays. L’Exécutif doit faire preuve de vigilance, en rejetant ces accords, en privilégiant les intérêts à long terme du pays plutôt que des bénéfices immédiats mais coûteux sur le long terme.
Déjà qu’avec ce contrat opaque du pipeline d’Agadem qu’on nous a livré “clés en main”, le Niger ne maîtrise rien, ni la conception, ni le suivi, ni la maintenance, ni les coûts (4 milliards de dollars US SVP qui ne reflète pas son coût véritable) et la qualité. Notre pays ne peut donc se permettre de répéter les erreurs du passé…