Dans le panorama politique ouest-africain, la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a longtemps été perçue comme un pilier de la stabilité régionale et un gardien des principes démocratiques. Cependant, les récentes décisions prises lors du sommet extraordinaire à Abuja le 24 février 2024 révèlent une réalité alarmante : une institution en proie à l’incohérence, à la compromission et, au fond, à un processus d’autodestruction.
La décision de lever les sanctions financières et économiques contre la Guinée, ainsi que la levée des restrictions sur le recrutement des citoyens maliens au sein des institutions de la CEDEAO, témoignent d’une volte-face étonnante. Le traitement similaire accordé au Niger, après le putsch du 26 juillet 2023, ne fait qu’accentuer cette impression de faiblesse et d’incohérence. En cédant aux pressions et en renonçant à ses sanctions, la CEDEAO envoie un message désastreux : les coups d’État ne sont pas tant condamnés que tolérés, pourvu qu’ils réussissent. Ils peuvent être tolérés, voire récompensés.
La création de l’Alliance des États du Sahel (AES) par le Niger, le Mali et le Burkina Faso, en réaction à l’attitude de la CEDEAO, constitue un camouflet sans précédent. Ces États, en se retirant de l’organisation régionale, dénoncent non seulement son inefficacité, mais aussi sa perte de légitimité. La CEDEAO se trouve ainsi dans une situation paradoxale : en cherchant à préserver l’unité, elle a engendré une scission plus profonde.
Face à cette situation, il est légitime de s’interroger sur l’avenir de la CEDEAO. Comment pourra-t-elle gérer de futurs putschs ou crises politiques, alors qu’elle a déjà montré sa propension à la compromission ? La CEDEAO, en choisissant la facilité et le renoncement, a non seulement trahi ses principes, mais aussi sapé sa propre autorité.
Une question se pose alors avec acuité : comment peut-on sérieusement espérer que cette organisation soit prise au sérieux lorsqu’elle fait preuve d’une telle inconsistance dans l’application de ses propres règles ? S’est-elle transformée en une coquille vide, incapable de défendre les valeurs démocratiques et la stabilité régionale qu’elle prétendait jadis incarner ? Seul l’avenir nous le dira, mais une chose est certaine : la crédibilité et l’autorité de la CEDEAO sont désormais sérieusement compromises. Elle ne fait pas que trahir les aspirations démocratiques de millions de citoyens d’Afrique de l’ouest ; elle scie la branche sur laquelle elle est assise.