Le chiffre est effarant et permet de se faire une idée sur la gravité d’une situation avec laquelle joue le gouvernement. Cette situation, c’est l’incertitude d’un lendemain radieux à laquelle sont confrontés les jeunes diplômés nigériens aujourd’hui.
Jugez-en à travers ce seul indicateur ! Près de 20.000 dossiers de demande d’accès au service civique national attendent actuellement d’être traitées, apprend-on d’une source administrative.
Ces milliers de demandes à traiter résultent de l’accumulation des dossiers de plusieurs promotions d’étudiants sortis des universités publiques et privées ainsi que des instituts et écoles supérieures de formation professionnelle et techniques du pays.
Par où commencer ? Qui privilégier ? Sur la base de quels critères objectifs ? Les techniciens de l’Etat en charge du traitement de ces piles de dossiers de demande du service civique national ont assurément des grains à moudre.
Ce seul indicateur suffit pour montrer le profond désarroi dans lequel sont installés les jeunes diplômés ces dernières années dans notre pays.
‘’Jusqu’à la fin de la décennie 2000, le service civique était quasi-systématique dans notre pays. Dès que la demande est introduite à travers un dossier dûment constitué, une suite lui est réservée dans un délai raisonnable. Mais ces dernières années, ce n’est plus le cas ; les dossiers s’empilent et l’attente des postulants est plus longue’’, a déploré la source.
‘’L’on a préféré privilégier la formule de la contractualisation qui permettait de donner de l’emploi même à des personnes n’ayant pas de diplôme surtout dans le secteur de l’enseignement et dans une moindre mesure dans l’administration’’, dénonce-t-elle.
Nul besoin de se demander pourquoi le choix de cette option totalement contreproductive. Il s’agit tout simplement d’avoir des militants semi-lettrés sur le terrain, dans les campagnes reculés, pour la cause politique.
Le but politique ayant été atteint, à la suite de deux opérations de tri sur tests pour retenir uniquement les contractuels aptes à enseigner qui n’ont pas permis de résorber le problème de la baisse du niveau des élèves, le président Bazoum a décidé, comme on le sait, de mettre carrément fin au système de contrat dans l’éducation.
Comme solution de substitution, il dit miser sur la professionnalisation du métier à travers le renforcement des écoles normales d’où sortiront désormais les enseignants qualifiés qui remplaceront les contractuels sur le terrain.
La politique prônée par le président Bazoum pour le secteur prévoit le recrutement sur la base de test des contractuels qui n’ont pas dépassé l’âge d’accès à la Fonction publique. Pour ceux en dépassement d’âge, ils seront maintenus dans le système avec le statut d’auxiliaire, indique-t-on.
Une utopie quand on sait que les contractuels dont le nombre est estimés à près de 75.000 dans l’enseignement actuellement constituent la machine qui fait tourner les écoles publiques et même privées du pays.
Théoriquement, la contractualisation dans l’enseignement est terminée ; la ruée des contingents de diplômés destinés au marché de l’emploi s’observe désormais vers le service civique, qui est de deux ans.
Le ver reste toujours dans le fruit et risque d’ailleurs de se transformer en poison dangereux pour le régime de la Renaissance, car ne réglant en rien le problème de l’emploi auquel les jeunes diplômés nigériens sont durement confrontés aujourd’hui. La durée du contrat est indéfiniment rallongée et c’est ce qui fait qu’on trouve de nombreux diplômés qui ont plus de 15 ans de carrière dans le système.
Le gouvernement va-t-il manœuvrer pour rallonger indéfiniment aussi la durée du service civique qui est officiellement de deux ans ?
L’option n’est pas exclue mais ne saurait en aucune façon régler le problème de la hausse ininterrompue du taux de chômage des jeunes diplômés qui peut être une véritable bombe à retardement pour le pays.
Les jeunes qui sortent des universités et des écoles supérieures doivent avoir l’esprit d’initiative pour créer des entreprises au lieu d’attendre un emploi hypothétique de l’Etat, a-t-on coutume d’entendre dans le débat public.
‘’Soit ! L’initiative privée est une option pouvant permettre aux jeunes diplômés de ne pas attendre l’Etat. Mais que fait concrètement ce dernier pour les inciter à s’engouffrer dans cette voie en termes de soutien et d’accompagnement ?’’, interroge Garba Daouda, fonctionnaire de l’Etat à la retraite.
‘’Ce régime des renaissants n’a aucune politique de l’emploi pour la jeunesse populaire. Sinon, cette politique se résume uniquement à manœuvrer pour placer leurs propres enfants dans des sociétés étatiques avec un salaire consistant ou dans l’administration publique par le biais de la fraude à l’occasion des concours de recrutement à la Fonction publique’’, déplore Daouda.