En juillet 2023, la déclaration du général Tiani a marqué un tournant décisif dans l’histoire politique du Niger. Lorsqu’il a conduit le coup d’État qui a renversé le président Bazoum Mohamed, le général Tiani et le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) ont promis de s’attaquer à de multiples problématiques : amélioration des finances publiques, redressement de l’économie, réforme de l’éducation et de la santé, lutte contre la corruption, le népotisme et divers autres maux. Cependant, sept mois après leur prise de pouvoir, quelle est la réalité sur le terrain ?
Promesses non tenues
Loin des promesses initiales, les actions du CNSP ont soulevé des inquiétudes. On observe une tendance à nommer des parents, amis et connaissances à des postes clés, sans nécessairement respecter les critères de compétence et d’adéquation avec le profil du poste. Les ministres sont réduits à de simples exécutants des volontés du CNSP, érodant l’efficacité de l’action gouvernementale. Cette pratique rappelle étrangement les travers du gouvernement précédent dont la junte se proposait de corriger les erreurs.
Justice instrumentalisée
La justice semble être utilisée comme un outil politique. Le cas du général Salou Souleymane, éligible à une remise gracieuse de peine mais toujours détenu, contraste fortement avec le non-lieu curieux accordé à Hama Zada, après plus d’un an de détention dans l’affaire de la SOPAMIN/TAANADI dans laquelle l’Etat a perdu 3 milliards de F CFA. Tout cela soulève des questions sur l’influence potentielle de relations personnelles dans les décisions judiciaires.
L’épisode de la libération de Salem Mohamed Bazoum, fils du président déchu, survenu le 8 janvier 2024, est un autre exemple frappant. Son inculpation pour complot présumé contre l’État, suivie de sa libération précipitée et de son départ immédiat pour le Togo est perçue comme un simulacre de justice, portant atteinte à l’intégrité de l’État de droit et illustrant une dérive autoritaire inquiétante du CNSP.
Des dépenses militaires controversées
Dans un contexte d’embargo financier et économique, l’acquisition de chars d’assaut à plusieurs milliards de F CFA pour la garde présidentielle est incontestablement injustifiée. A cela, on peut ajouter l’achat controversé de 160 véhicules 4×4 au profit des FDS à 4 milliards 480 millions F CFA sur le Fonds de solidarité et de sauvegarde de la patrie (FSSP) dans des conditions opaques qui rappellent les détestables mœurs politiques sous la Renaissance.
Violations des droits et libertés
Les actions de la DGDSE (Direction Générale de la Documentation et de la Sécurité Extérieure), qui procède à des arrestations et des détentions en dehors de toute procédure judiciaire, et la COLDEFF (Commission de Lutte contre la Délinquance Économique et Fiscale), qui nie le droit des accusés à une défense adéquate, montrent un mépris flagrant pour les droits fondamentaux et l’État de droit, en contradiction avec les affirmations du CNSP.
Face à ces constats, il est impératif que le général Tiani et le CNSP prennent des mesures concrètes pour aligner leurs actions avec leurs promesses initiales. La crédibilité de la junte est en jeu, tout comme la confiance du peuple nigérien. Sans un changement significatif de cap, le CNSP risque de s’enliser dans les mêmes travers que ceux qu’il a prétendu combattre, s’éloignant toujours plus des attentes et des besoins réels des citoyens nigériens.