Vous rappelez-vous des quolibets qui fusaient ici et là quand la Commission de Lutte Contre la Délinquance Economique, Financière, et Fiscale (CoLDEFF) avait été mise en place, le 20 septembre 2023 ? Elle ne servira à rien, clamait-on péremptoirement ! Elle ne fera que son cinéma en faisant mine de ramener dans les caisses de l’Etat quelques miettes glanées après mille efforts, cahin caha. Comme toutes les autres commissions de même nature qui l’ont devancée. Pour être franc, nous n’étions pas nous-mêmes, très éloignés de cette posture sceptique et démobilisatrice. Après quelques tâtonnements, dus à un manque d’encadrement adéquat, le colonel Abdoul Wahid Djibo vient de nous fermer le clapet, avec des résultats auxquels personne ne s’attendait en un si court laps de temps. Pour preuve, comparez leur travail avec celui des commissions « Crimes et Abus » et autres « Halcia ».
Des chiffres édifiants
Le 16 mars 2023 donc, après son entrevue avec le président du CNSP, chef de l’Etat, le général de brigade Abdourahamane Tiani, le président de la CoLDEFF, a fait état des résultats ci-après : 25.466.211.642 (vingt- cinq milliards et quelques) payés ‘’volontairement’’ par les mis en cause, c’est-à-dire, pour être très précis, 20.656.962.024 (vingt milliards et quelques) réellement encaissés et 4.809.519.668 (presque cinq milliards) en cours de recouvrement. Pour ce faire, il a fallu saisir, d’autorité, des titres fonciers concernant des parcelles, des villas, des immeubles, etc., et cela par centaines. C’est dire que le dépouillement actuel n’est qu’à son début et que la moisson, au bout du compte, risque de dépasser toutes les espérances rêvées jusque-là.
Frustrations latentes
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la CoLDEFF a accompli une tâche qui mérite toutes les louanges du peuple, recouvrant ainsi, partiellement, des pans entiers de ses deniers détournés par des politiciens et opérateurs économiques peu regardants sur les moyens employés. La fin justifie les moyens, est leur credo.
Félicitons les preux contrôleurs de la CoLDEFF , mais il demeure un arrière-gout, d’inachevé, de frustration. Parce qu’il y a un voile injustifié autour de l’identité des contrevenants, et des sommes remboursées par chacun des fautifs et surtout du ratio du remboursement par rapport à la somme détournée. En outre, nos compatriotes aimeraient bien savoir comment cela a été possible, ne serait-ce que pour mettre en exergue, l’aspect pédagogique de l’opération. En effet, à quoi bon récolter des milliards, si demain, d’autres margoulins peuvent s’adonner, sans vergogne, à la même forfaiture avec un sentiment diffus d’avoir échappé aux fourches caudines de la justice ? De toute évidence, le coté dissuasion n’est pas assez exploité. Il exige pourtant que soient connus les noms des détourneurs et les montants exacts détournés. Comment être certain (du point de vue du peuple) que l’on n’emprunte pas une voie sélective, quand on ne sait pas qui a remboursé et qui n’a pas été impliqué et continue de narguer le peuple avec sa richesse mal acquise ? Si l’on ne peut pas épingler nommément et publiquement les indélicats, une partie de la mission de la CoLDEFF ne sera jamais exécutée. Celle-là même qui est censée éduquer nos compatriotes. Certes, nous ne sommes pas en train de préconiser une amplification médiatique analogue à celle des TPR (Tribunaux Populaires Révolutionnaires) comme au Burkina Faso, à l’époque de Thomas Sankara. Certes non. Mais, une certaine dose de publicité bien ciblée, peu revêtir des vertus curatives pédagogiques de bon aloi. Il est possible que certains de nos lecteurs trouvent dérisoire la récolte de la CoLDEFF que nous mettons sur un piédestal. Soit par snobisme, soit par mauvaise foi. Si l’on peut nous citer, dans toute l’histoire des commissions de recouvrement de notre pays, des sommes récupérées en ce laps de temps, atteignant un tel montant, (d’ailleurs provisoire) que l’on nous le dise. Certes, comparaison n’est pas raison, mais l’objectivité (tant que cela est possible) est toujours bonne conseillère.