Des mots, des faits
Bazoum Mohamed adore rappeler son attachement à la justice : « Je me suis battu depuis mon jeune âge pour la promotion de la démocratie, parce que j’en ai toujours espéré deux choses totalement inséparables : la liberté et la justice », a-t-il dit dans son discours d’investiture. Le président de la République ne tarit pas de mots sur le thème de la justice : « […] La non observance par les magistrats de leurs obligations de poursuivre et de juger de manière équitable et honnête toutes les affaires qui leur sont soumises, en répondant à des injonctions ou en faisant valoir leurs intérêts propres, est la pire des injustices », a-t-il souligné à l’occasion de l’ouverture de la session du Conseil supérieur de la Magistrature ce 27 septembre 2021. Concrètement, que fait Bazoum Mohamed pour assoir une justice saine et irréprochable dans notre pays ? À la vérité, le magistrat suprême est dans l’incantation. Seize (16) mois après son accession au pouvoir, il n’arrive toujours pas à s’emparer des leviers à même de lui permettre de redorer le blason de l’institution judiciaire de notre pays. Les pratiques malsaines, tant décriées, persistent de plus belle.
Un ministre impuissant
Mohamed Bazoum a présidé, ce jeudi 4 août 2022, l’ouverture de la 1ère session du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) au titre de l’année 2022. Pour rappel, le CSM a pour mission principale la gestion de la carrière des magistrats. D’autre part, cet organe « assiste le président de la République dans sa fonction de garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ». Tout est parfaitement clair sur le papier. Mais dans les faits, le CSM serait devenu « un véritable outil de marchandage laissé entre les mains d’un clan réduisant à néant l’autorité du garde des Sceaux », constatent certains acteurs de l’institution judiciaire. Ikta Mohamed Abdoulaye, l’actuel ministre de la Justice, en sait quelque chose, pour ainsi dire. Des projets de réforme et autres mesures novatrices initiés par le garde des Sceaux (en poste depuis novembre 2021) ont été littéralement torpillés. Décidé à donner plus d’allant et de crédibilité à la Justice, Ikta Mohamed Abdoulaye s’est attelé à un projet de texte instituant un deuxième Tribunal de Grande Instance à Niamey. Cette initiative ambitieuse a été stoppée net. Loin de baisser les bras, le ministre de la Justice s’est focalisé sur un autre projet, celui de réaménager en profondeur le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey. Dans le même élan, le ministre de la Justice a prévu de faire remplacer l’actuel procureur de la République (Chaibou Moussa) par un autre magistrat du même Tribunal. Nouvel échec pour Ikta Mohamed Abdoulaye. Son projet est balayé d’un revers de main en ‘’haut lieu’’, dit-on.
Le CSM en question Au regard de tout cela, quel intérêt y a-t-il à être ministre de la Justice dans ce pays ? Il y a lieu de s’interroger sur l’utilité des réunions du CSM étant donné que de petites ententes et autres intrigues ont lieu en amont d’où ces affectations et nominations pour le moins étonnantes. Bazoum Mohamed est certainement au courant de ces pratiques. Le chef de l’État a d’ailleurs attiré l’attention des membres du CSM sur le fait qu’il est « indispensable de restaurer la confiance des citoyens vis-à-vis de la justice. » Il urge donc d’apporter des réformes afin de redorer l’image de la justice nigérienne. Il y va de la crédibilité de notre pays en tant qu’État de droit et de la démocratie.