Le temps ne fait qu’épaissir l’énigme autour du projet de construction d’une cimenterie à Badaguichiri (Tahoua). Les travaux continuent dans une semi-clandestinité. Pas le moindre indice sur l’identité de celui qui se cache derrière ce gigantesque chantier.
Sans le groupe Heidelberg
Sous Issoufou Mahamadou, le cimentier allemand Heidelberg conduit par un homme d’affaires nigérien est porteur d’un projet de construction d’une cimenterie à Badaguichiri (Illéla, région de Tahoua). Avec un dossier solidement ficelé à tous points de vue, Heidelberg était sûr d’obtenir l’aval des autorités nigériennes. Les investisseurs ont même commencé à acheminer du matériel vers notre pays, notamment des groupes électrogènes industriels. Contre toute attente, le projet est mis en veilleuse. Ou plutôt, Heidelberg et son partenaire nigérien ont été écartés. Quelques années après, la cimenterie commence à sortir de terre à Badaguichiri dans un halo de mystère. Engins de chantiers, matériaux de construction, ouvriers Nigériens et Chinois, les travaux ont débuté à la grande surprise des habitants de la localité. Alertée via une dénonciation anonyme en date du 1er décembre 2021, la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées(HALCIA) a mené une enquête sur « les importations de fer, ciment et autres engins effectués par la société chinoise China Africa Building Niger SA ». Comment est-ce que la China Africa Building Niger SA a-t-elle osé violer ouvertement les lois et règlements douaniers de notre pays en utilisant de fausses exonérations ? Au nom de qui (personne physique ou morale) cette société exécute-t-elle le chantier de Badaguichiri ? Autant de questions qui restent sans réponses des mois après le début des travaux.
Des mesures conservatoires
D’après nos informations, après plusieurs missions dans la région de Badaguichiri, les enquêteurs de la HALCIA ont constaté diverses irrégularités (douanières, fiscales et administratives) relativement à la construction de la mystérieuse cimenterie. Il s’agit, ente autres, de l’importation de plusieurs tonnes de fer à béton pour lesquelles il n’y a aucune quittance douanière. L’importation de matériels et engins roulants sur la base de la convention minière d’exploitation de charbon de Tebaram 4 (département de Tahoua) alors même que ces importations devraient être faites sur la base du Code des investissements. L’achat de plusieurs tonnes de ciment auprès d’un fournisseur local sans reversement de la TVA. Suite à quoi, des mesures conservatoires ont été prises notamment : « La suspension des travaux de construction de l’usine. La mise en demeure de China Africa Building Niger SA à régulariser les importations passées avec des exonérations inapplicables par le paiement de droits et taxes de douanes. La saisine de la DGI pour le redressement fiscal de la société qui a fourni à China Africa Building Niger SA le matériel et les engins en hors taxes. » La société chinoise s’est-elle conformée aux injonctions de la HALCIA ? La question reste posée. Une chose est certaine, le chantier a repris de plus belle avec toujours ses zones d’ombre.
Un mystérieux parrain
Plusieurs mois après le premier coup de pioche, l’on apprend que l’énigmatique chantier de Badaguichiri bénéficie (enfin) du Code des investissements en République du Niger. Ce tour de passe-passe administratif renseigne sur l’immense poids politique du parrain de ce projet industriel. Il est à noter que l’exécution en cours des travaux (à plusieurs milliards FCFA) n’a nécessité le concours d’aucune banque au Niger, on parle de ‘’fonds propres’’. Ce fait indique la solide assise financière du mystérieux promoteur. Qui se cache derrière ce mégaprojet, la plus grande cimenterie jamais construite au Niger ? C’est la question sur toutes les lèvres. Selon les experts, le site de Badaguichiri regorge d’immenses réserves (calcaire, argile, charbon, nécessaires à la fabrication du ciment) exploitables sur une période de plus 100 ans. C’est dire combien l’homme qui pilote ce projet à bien calculé son coup. La production du premier sac de ciment de l’usine de Badaguichiri est prévue courant 2023. Affaire à suivre…